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Pas toujours facile de travailler avec des grands groupes!





Comment s'adapter aux exigences opérationnelles d'un donneur d'ordres, quand on est une PME ?



Ces derniers mois, les relations entre Apple et son fabricant, le taiwanais Foxconn, ont défrayé la chronique. La raison: les mauvaises conditions de travail dans les usines chinoises de ce groupe qui emploie plus 1,3 million de personnes. Grèves, suicides de salariés, emploi de “stagiaires” de 14 ans, autant de situations et méthodes dénoncées par les ONG avec au final une situation inacceptable pour les salariés mais aussi désastreuse en termes d’image pour le donneur d'ordres. Si le conflit s’est momentanément réglé par des augmentations de salaires et des excuses pour avoir employé des mineurs, Foxconn se révélait, quelques semaines après, incapable de répondre à l’afflux de commandes dues au succès de l’iPhone5 d’Apple. Mais heureusement, ce cas d'école n'est pas pour autant emblématique des relations entre donneurs d'ordre et sous-traitants, loin s'en faut!

Une charte pour une relation durable

En France, il existe une charte des relations inter-entreprises dont « L’objectif est de construire une relation équilibrée et durable entre les grandes entreprises et leurs fournisseurs, dans la connaissance et le respect des droits et devoirs respectifs de chaque partie ». Celle-ci a été signée par plus de 240 entreprises et organismes socio-professionnels avec la « volonté de s’inscrire dans une relation partenariale  gagnant-gagnant » avec leurs fournisseurs. La charte propose 10 engagements parmi lesquels le fait de privilégier des relations durables avec les PME s’inscrivant dans une démarche partenariale : "le sous-traitant doit être considéré comme un partenaire stratégique avec qui le donneur d’ordre collabore afin de l’aider à améliorer ses performances". Sur le site dédié à la charte, on apprend notamment que «le volume d'achats des entreprises signataires de la Charte des relations inter-entreprises est de l'ordre de 400 milliards d'euros. »

Pas toujours facile de travailler avec des grands groupes!

Un écosystème pas toujours harmonieux

Dans une de ses chroniques sur le Journal du net, intitulée « PME vs grand groupes, les lois des plus forts», Benjamin Levy passe en revue les problèmes qui se posent dans les relations entre PME et grands groupes et écrit: « Les PME convoitent les marchés offerts par les grands groupes. Et les grands groupes ont besoin des PME pour fonctionner, sous-traiter, s’approvisionner. Pour autant ce petit écosystème ne vit pas toujours en harmonie. » En cause : les pratiques d’achat, les clauses de contrat abusives, les remises. Et il conclut « Dans une économie mondiale si compétitive, c’est probablement dans son intérêt d’avoir à ses côtés un écosystème de fournisseurs compétitifs eux aussi, et capables de lui proposer produits et services de qualité. »

En 2010, la Médiation inter-Entreprises (créée par décret en avril 2010), organisait une conférence sur le thème "Renforcer la compétitivité par de bonnes relations clients/ fournisseurs". Un an plus tard, Jean-Claude Volot, « médiateur de la sous-traitance » nommé par le gouvernement, dénonçait malgré tout les acheteurs des grands groupes qui pillent les petites et moyennes industries (PMI), insistant sur le non-respect de la propriété intellectuelle qui amène « les grands groupes à s'approprier régulièrement les innovations de leurs sous-traitants, en mettant par exemple en concurrence plusieurs fournisseurs sur un même projet ».

L'expertise et la relation de confiance, conditions d'une synergie?

Qu'il s'agisse pour le donneur d'ordre d'un fabricant, ou encore d'un prestataire de services, trouver le bon partenaire et travailler en synergie totale exige un haut degré de confiance entre les co-contractants. Dans le domaine de la sous-traitance de spécialité dédiée aux hautes technologies industrielles, la jeune entreprise Forsee Power Solutions a sans doute fait un choix stratégique : intégrateur de systèmes de batteries pour des grands comptes comme Petzl, Ingenico, ou Husqvarna, elle a fait le choix d'un positionnement différenciant: celui du sur-mesure. La société créée en 2011 équipe ainsi en énergie nomade des défibrillateurs, des terminaux de paiements sécurisés, de l’outillage professionnel, ou des vélos électriques. Autant d'équipements très spécifiques aux contraintes d'intégration singulières, qui ne tolèrent pas la standardisation mais exigent, au contraire, une très haute spécialisation et une certaine adaptabilité aux circonstances. Par conséquent, indique René de Gaillande, le patron de Forsee Power: « l’accompagnement continu des clients dans la recherche de solutions spécifiques a pris une telle importance que la relation qui s’établit ressemble plutôt à celle qui prévaut dans l’univers du conseil ». Philippe Alleil, son directeur technique, abonde en ce sens quand il explique que «Lorsqu'un producteur, quel qu'il soit, nous expose ses attentes, nous nous interrogeons sur les usages de l'appareil. Il nous appartient donc de reformuler son besoin opérationnel en objectif technique. A partir de l'usage auquel est destiné le produit fini, nous sélectionnons les cellules de base les plus appropriées. Autrement dit, l'improvisation n'est pas permise! »
 
La relation de confiance est donc essentielle, et elle reposerait en grande partie sur la capacité du sous-traitant à proposer des solutions ad hoc, comme le confirme Cyril Dupuy, directeur logistique de Sogaris: « Le niveau de confiance est déterminant pour conserver de bonnes relations. Plutôt que de parler de donneurs d’ordres et sous-traitants, il est intéressant de se positionner davantage comme un partenaire, capable de s’adapter en permanence aux besoins du client afin qu’il puisse consacrer ses ressources aux activités qu’il juge stratégiques ».

Le développement durable devient stratégique...

...Pour les donneurs d'ordre, comme pour leurs sous-traitants! Travailler avec les grands groupes, c'est aussi se poser la question de l'empreinte écologique. « Entreprises cherchent fournisseurs responsables  », titraient Les Echos en 2010; et le journal faisait état de la mésaventure arrivée au groupe Nestlé accusé par Greenpeace d’utiliser une huile de palme provenant de la déforestation en Indonésie. Acheter des produits durables et « écolabellisés » est depuis lors devenu la préoccupation de tous, aussi bien des grands groupes que des PME. Entre 2009 et 2011, 56% des entreprises ont ainsi augmenté les ressources allouées aux achats durables (selon le baromètre 2011 sur les Achats durables et responsables d’ HEC et Ecovadis). Il semblerait d'ailleurs, d'après cette enquête, que l'activité d'achat durable soit un réel levier de construction et de pérennisation des relations avec les fournisseurs, d'anticipation des risques et de réduction des coûts. Faurecia, le premier équipementier de l'industrie automobile, a ainsi choisi de consacrer une bonne partie de son budget de R&D à l'anticipation des normes écologiques qui devraient, en toute vraisemblance, s'étendre progressivement à tous les pays du globe. Une autre manière, en somme, de s'imposer en interlocuteur incontournable au fil des prochaines années.
 
En conclusion, le constat est évident: c'est sur la base d'une concertation étroite et permanente, propice à la mise en place de modes opérationnels partagés entre les donneurs d'ordres et les sous-traitants, que la relation a le plus de chances d'être pérennisée! 


15 Janvier 2013