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Marc Villand, président d’Interconstruction et vice-président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) : « Accorder plus de confiance aux acteurs de terrain »





Marc Villand est président du groupe de promotion Interconstruction, promoteur indépendant de référence en Île-de-France, mais aussi président de la chambre Île-de-France de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI). Il est à ce titre un observateur attentif des projets du gouvernement actuel en matière de logement, notamment dans le cadre de la loi ELAN. L’occasion de faire le point sur les attentes des professionnels de l’immobilier vis-à-vis de l’État.



Marc Villand, président d’Interconstruction et vice-président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) : « Accorder plus de confiance aux acteurs de terrain »
En tant que professionnel de l’immobilier et bon connaisseur de l’ensemble des acteurs du marché, comment voyez-vous la situation du logement neuf en France ?

Malgré une baisse du volume des ventes dans le neuf au 1er trimestre 2018 (-10 % par rapport au 1er trimestre 2017), le marché du logement neuf reste dynamique et l’immobilier neuf reste attractif pour les acheteurs.
Le ralentissement constaté concerne tous les segments de marché, accession à la propriété et investissement locatif. Causes principales de l’infléchissement : une hausse des prix qui écarte du marché les acheteurs les plus modestes et la baisse de la demande des bailleurs sociaux (qui représentent 75 % des investisseurs en bloc). Deux facteurs supplémentaires ont pu jouer : d’une part un discours ambiant qui tend à stigmatiser injustement l’immobilier avec la création de l’impôt sur la fortune immobilière ; d’autre part l’attentisme qui a prévalu face aux intentions du Gouvernement en matière de logement avant l’adoption du projet de loi ELAN.
On observe aussi un ralentissement des mises en chantier, en particulier en Île-de-France, principalement à cause des problèmes de permis de construire, de normes et de recours. Cela est dû aussi à la frilosité des maires dans le lancement de nouveaux projets avant les prochaines élections municipales de mars 2020. Car ces derniers ont des inquiétudes fortes sur le financement des équipements qu’implique l’arrivée de nouveaux habitants sur un territoire, alors même que la taxe d’habitation doit baisser…
 
Vous avez déjà eu l’occasion, au sein de la FPI, de défendre l’idée d’un « choc de l’offre » pour relancer la construction de logements en France. À vos yeux, la loi ELAN va-t-elle dans ce sens ?
 
Le premier objectif affiché par le Gouvernement est de « construire plus, mieux et moins cher », l’idée étant notamment de simplifier le cadre d’urbanisme en zones tendues. Le deuxième objectif affiché est celui d’une « réforme structurelle du logement social ». Le troisième objectif affiché est de lutter contre un certain nombre d’abus.
Pour la Fédération des promoteurs immobiliers, tout cela va dans le bon sens et dénote un certain courage, même si dans le détail certaines dispositions laissent matière à discussion. Sujet récurrent pour la FPI, il serait bon aussi de clarifier le statut du logement intermédiaire.
Si la loi ELAN ne va pas assez loin pour impulser un vrai « choc de l’offre », elle permet d’avancer sur des points importants pour nous : la limitation des recours abusifs, la réduction des délais d’instruction des permis de construire, la dématérialisation des éléments de montage des programmes, l’allègement des règles d’accessibilité. Car, pour nous, l’essentiel réside dans l’allègement des contraintes, des normes et des risques de recours abusifs contre les permis de construire. Nous espérons que d’autres mesures de ce type pourront être introduites dans le projet de loi de finances 2019.
 
La loi veut aussi faciliter la transformation de bureaux vacants en logements : elle sera exonérée de l’obligation de prévoir des logements sociaux et bénéficiera d’un bonus de constructibilité qui passe de 10 à 30 %. Qu’en pensez-vous ?

Il est vrai que le stock de bureaux vacants est très important : près de 4 millions de mètres carrés en Île-de-France, dont 750 000 rien qu’à Paris.
Dans ce contexte, faciliter la transformation de bureaux en logements fait partie des mesures qui peuvent améliorer l’offre de logements. Ces surfaces de bureaux qui ne répondent plus aux standards actuels sont un gisement qui mérite d’être exploité.
Quant à l’augmentation du bonus de constructibilité à 30 % (c’est-à-dire le fait d’augmenter de 30 % la surface finale autorisée de logement par rapport à la surface initiale de bureaux), c’est une bonne chose pour compenser les coûts liés aux difficultés techniques que l’on rencontre dans la transformation d’immeubles de bureaux en logements. Nous pouvons cependant regretter que ce bonus reste soumis à la volonté expresse des édiles.
 
La loi ELAN se donne pour objectif de vendre 40 000 logements sociaux par an, en priorité aux occupants. Est-ce réaliste ?
 
Le monde HLM est en pleine réorganisation, ce qui augure d’une forte baisse de la production de logements sociaux. Il est souhaitable dans ce contexte de faciliter la vente de logements sociaux à leurs occupants afin de permettre aux bailleurs sociaux de dégager des ressources supplémentaires pour construire davantage. L’objectif de 40 000 ventes est très ambitieux — c’est cinq fois plus qu’aujourd’hui. Il est cependant à redouter un manque de solvabilité des ménages modestes.
 
Au-delà du projet de loi ELAN, vous êtes très sensible à la question des normes et vous appelez de vos vœux des « règlements prospectifs et pragmatiques » pour promouvoir un urbanisme responsable. Qu’attendez-vous de la puissance publique sur ce point ?
 
Certes, il existe encore beaucoup trop de rigidités dans bien des domaines qui relèvent de l’urbanisme : délais d’autorisations administratives, empilements de normes diverses et contraintes juridictionnelles qui freinent la construction de logements neufs.
Mais au-delà, il faut surtout se donner les moyens de mieux répondre aux nouveaux besoins et usages des utilisateurs de nos constructions. Et pas seulement dans l’habitat, mais aussi dans les nouveaux espaces de travail. Le premier sujet est celui de la mobilité et du travail à distance. Le deuxième, complémentaire, est la réversibilité de l’affectation des bâtiments en bureaux ou en logements : la souplesse du travail contemporain impose de passer facilement d’une utilisation à une autre.
Nous travaillons d’ailleurs beaucoup sur l’immobilier d’entreprise de demain au sein de la FPI. Il faudra par exemple dépoussiérer les règles touchant au contrat de bail commercial.
Et d’une manière générale, il faudra accorder plus de confiance aux acteurs de terrain que nous sommes pour réussir à promouvoir des immeubles de qualité et un urbanisme responsable.


1 Octobre 2018