Entreprises & Décideurs
Corporate management: information pour les dirigeants

Entreprises & Décideurs

Accueil
Envoyer à un ami
Version imprimable

Didier Papaz : la communication d’Optic 2ooo, « un recentrage fondamental sur les valeurs de l’entreprises »





Didier Papaz, le Président Directeur Général d’Optic 2ooo, nous explique « sans langue de bois » pourquoi et comment le groupe a négocié un virage à 180 degrés dans sa communication, passant du statut d’opticien des stars à celui, très convoité, d’entreprise militante.



Didier Papaz, PDG du groupe Optic 2000
Didier Papaz, PDG du groupe Optic 2000

E&D: Vous présidez un groupe dont on ignore souvent qu’il est régi par un statut coopératif. Celui-ci a-t-il encore un sens aujourd’hui compte tenu de l’envergure de l’entreprise, ou des enjeux concurrentiels auxquels elle est confrontée ?

Didier Papaz: Pour comprendre le statut coopératif de l’enseigne, il faut le mettre en perspective avec son histoire. Il est en fait hérité du GADOL, le groupement d’achat des opticiens lunettiers, fondé dans les années soixante, avant de devenir Optic 2ooo. Aujourd’hui, la marque a évolué, s’est dotée d’une identité forte, mais ses valeurs fondatrices perdurent : gouvernance démocratique du groupe, politique de proximité territoriale, politique de prix fondée sur l’accès aux soins le plus large possible, ou encore solidarité économique vis-à-vis de l’ensemble de la filière lunetière française.

C’est dans cette logique, d’ailleurs, que nous avons encore récemment renforcé notre coopération avec les entreprises de la lunetterie jurassienne, à travers l’initiative Mode in France. Grâce à elle, Optic 2ooo est aujourd’hui le premier client de la lunetterie française. Ce statut est donc, plus que jamais, au goût du jour, puisque ses implications répondent aux exigences sociétales de notre époque.

Puisque vous faites référence aux nouvelles exigences de la société vis-à-vis du monde de l’entreprise, quelles sont-elles concrètement, vis-à-vis d’un opticien ? Le concept de RSE, pour un opticien, est un peu exotique, non ?

En tant qu’entreprise coopérative, nous ne sommes pas soumis aux contraintes fortes de rentabilité qu’imposent certains statuts juridiques aux entreprises cotées, par exemple. Nous avons donc une liberté d’action qui nous permet de mettre en œuvre une approche particulière du métier, en dehors de toute pression ou logique financière. Cette approche, c’est celle liée aux soins, avec tout ce que cela implique en termes de proximité, de sens du service, ou de qualification. Ainsi, nos opticiens ne sont pas « que » des distributeurs. Ils sont d’abord des acteurs pivots du domaine de la santé et, à ce titre, la démarche de conseil et de service est essentielle, sinon inhérente à notre métier.
 
Vous allez probablement objecter, donc, que la vocation de toute entreprise est d’être profitable. C’est vrai. D’ailleurs, performance économique et sens du service vont de pair. Les opticiens du réseau sont aussi des chefs d’entreprises, qui constatent au quotidien combien le sens de l’écoute et du service contribuent à nouer une relation durable avec les usagers. Voilà qui démontre bien à quel point nous sommes en phase avec les attentes des Français !

Mais les valeurs coopératives que revendique Optic 2000 ne sont-elles pas, finalement, solubles dans le concept générique et -il faut l’admettre, un peu galvaudé- de RSE ?

Que le concept soit galvaudé ou non, ce ne sont pas les concepts qui comptent, mais les actions qui produisent des résultats. Chaque entreprise peut contribuer, à travers son cœur de métier, à faire des choses utiles socialement. D’où, par exemple, nos actions éducatives ou sanitaires en Afrique, ou encore notre partenariat avec l’Institut de la Vision. Nous nous sommes par ailleurs largement mobilisés à l’occasion de la dernière édition du Téléthon.

Nous souhaitons nous rendre utile partout où nos compétences et nos moyens peuvent être mobilisés à bon escient. En l’occurrence, dans le domaine de la santé et de la vision. Et nous ne sommes pas les seuls : je garde par exemple un souvenir assez fort de l’engagement de Veolia force en Haïti, au moment du terrible tremblement de terre qui a frappé le pays en 2010. Alors que certains perçoivent dans ces initiatives des opérations de communication m’importe peu. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, et les « fact-checkers » y ont accès !

Vous reconnaissez tout de même les vertus de la RSE en termes de communication ?

Contrairement aux entreprises qui perçoivent la RSE comme une contrainte, ou une opportunité en terme de communication, Optic 2ooo a toujours voulu –même modestement - contribuer au progrès à sa façon. Nous sommes par exemple partenaires des OCAM, auprès desquels nous plaidons en permanence en faveur d’une meilleure prise en charge des soins ophtalmologiques. Ce qui a changé depuis, depuis notre création, c’est le monde d’hyper-communication dans lequel nous vivons désormais : la société réclame de l’engagement, mais aussi de la transparence et du dialogue. Il nous est donc apparu logique de faire ce qu’on dit, mais aussi de dire ce qu’on fait.

Et si d’autres entreprises rejoignent cette dynamique d’engagement et de responsabilité, par conviction ou par contrainte, on ne peut que s’en féliciter dès lors que cela se traduit par des actes. Seuls les résultats comptent en matière de solidarité. Et généralement, les collaborateurs en ressortent très fiers d’eux-mêmes et de leur entreprise : ils attribuent ainsi un sens à leurs compétences.

Vous avez choisi Yann Arthus Bertrand comme nouveau porte-étendard de votre engagement. Quelle est, sincèrement, la légitimité d’un opticien dans le domaine du développement durable ?

La fondation de Yann, GoodPlanet, a pour objectif de sensibiliser l’opinion aux problématiques écologiques par l’image, et comme toute fondation, elle a besoin de moyens pour agir. Or, comme toute entreprise, nous avons aussi une responsabilité environnementale, et nous avons considéré que la « nouvelle vision de la vie » que nous prônons est indissociable de modes de production et de consommation plus responsables. Le développement durable est un concept qui englobe aussi bien le social, que l’écologie ou les questions éthiques. Il ne s’agit pas d’un concept qu’on s’approprie à la carte, ou par effet d’aubaine, ce qui s’assimilerait sans détour à du « greenwashing ». Notre légitimité en ce domaine est donc la même que celle de toute entreprise, de tout état, et de tout citoyen, quels qu’ils soient : il s’agit de réduire, ensemble, l’empreinte écologique de l’activité humaine.

Que répondez-vous à ceux qui perçoivent dans votre nouvelle campagne un éparpillement de la communication du groupe ? N’est-elle pas motivée, au fond, par une volonté de rupture avec le côté « people » des années Johnny ?

C’est tout l’inverse d’un éparpillement : il s’agit d’un recentrage fondamental sur les valeurs qui animent l’entreprise au quotidien. C’est aussi une communication plus adaptée au contexte socioéconomique actuel, car la crise économique et écologique que nous traversons a révélé une crise de sens : elle a remis en question le modèle de société hérité des Trente Glorieuses.
 
Les « années Johnny » sont encore dans tous les esprits et ont correspondu à une étape du développement de l’entreprise. Nous ne les renions pas, au contraire : elles ont largement contribué à bâtir la notoriété de la marque. Mais lorsque nous nous sommes interrogés sur notre identité profonde, et sur ce qu’elle implique aux yeux du public, nous nous sommes rendu compte que ce même public ne pouvait prendre la mesure de la dimension coopérative et humaine d’Optic 2000. Nous avons donc décidé de projeter notre communication outre notre forte image de marque, afin de traduire l’engagement des opticiens qui adhèrent à nos valeurs et renforcent un peu plus, chaque jour, notre capital de confiance à travers leurs actions sur le terrain. Il n’y a donc ni rupture ni éparpillement, mais plutôt une transition vers une communication qui nous ressemble plus fidèlement et plus concrètement. Nous voulons vraiment ancrer la marque Optic 2ooo dans le réel.


29 Avril 2013