La gestion de patrimoine du chef d’entreprise

Entretien avec Nicolas Bollé, expert comptable et commissaire aux comptes






La règlementation sociale et fiscale relative aux revenus du dirigeant n’a cessé d’évoluer. Quels ont été les choix opérés par les dirigeants de TPE à ce sujet ?

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Il y a quelques années les dirigeants de TPE réalisaient un choix pour leur rémunération soit entre une rémunération en tant gérant (ou en tant que mandataire de leur entreprise selon la structure juridique retenue), soit une distribution de dividendes.

Ce choix était principalement dû au fait que les dividendes n’étaient auparavant pas soumis à l’impôt sur le revenu grâce au mécanisme de l’avoir fiscal. Les prélèvements sociaux étaient quasi-inexistants. Le revers de la médaille était le manque de cotisations retraites versées par les dirigeants ce qui avait pour conséquence une diminution de la pension de retraite à percevoir.
La question est toujours d’actualité et est même revenue avec insistance depuis que les dividendes du gérant majoritaire (travailleur non-salarié) sont soumis aux cotisations sociales du régime social des indépendants.

A mon avis, le choix ne doit pas être pris uniquement sur des considérations fiscales ou sociales. Le dirigeant doit réaliser un diagnostic de ses actifs mais aussi de ses objectifs personnels à un terme défini. « Prendre » un revenu de sa société (rémunération ou dividende) pour le placer sur un compte d’épargne en vue de couvrir des dépenses personnelles ultérieures n’est généralement pas un bon choix et cela pour deux raisons : la première raison est l’appauvrissement de la structure financière de l’entreprise qui peut être préjudiciable (en cas de de demande de financement bancaire par exemple) ; la seconde raison est le règlement de charges sociales et fiscales sur ces sommes d’argent non consommées, ce qui en diminue le pouvoir d’achat.
 

Dans ce cas quels sont les outils pour optimiser le coût fiscal et social des revenus du dirigeant ?

Les outils dépendent surtout des objectifs personnels du dirigeant et de son âge. Les besoins à court terme ne sont pas les mêmes si le dirigeant est au début de sa carrière ou s’il est en fin de carrière. D’une manière générale il est préférable d’anticiper ces choix dès que possible. Cela permettra une meilleure optimisation tant pour le dirigeant que pour l’entreprise.

Les outils principaux sont les contrats de prévoyance retraite (par exemple de type Madelin) et les PEI-PERCO. Les premiers permettent d’alimenter un compte d’épargne ouvert au nom du dirigeant. Les versements sont déductibles (dans certaines limites) des bénéfices de l’entreprise. L’épargne est versée sous forme de rentes (revenus) au moment de la retraite. Ces rentes sont soumises à l’impôt sur le revenu. Dans le principe l’épargne est bloquée jusqu’à la retraite sauf si certains événements surviennent comme par exemple la liquidation judiciaire de l’entreprise.

Le PEI-PERCO permet quant à lui d’épargner, à son optimum, une somme de 9 000 € par an (environ) pour le dirigeant d’entreprise. Cette somme est déductible du bénéfice de l’entreprise. Elle est bloquée pendant 5 ans (sauf cas de déblocage anticipé possible).
Cependant, pour obtenir cette épargne le dirigeant doit alimenter le compte PEI-PERCO d’une somme de 3 000 € par an. Il existe un mécanisme qui permet d’alimenter cette somme d’argent par l’entreprise : il s’agit de l’accord d’intéressement. Le contrat d’intéressement permet une optimisation de l’épargne du dirigeant de TPE à niveau inégalable par rapport aux autres moyens de placement.
 

En quoi consiste le contrat d’intéressement ?

Le contrat d’intéressement est ouvert aux TPE qui comptent au moins un salarié (comme pour le PEI-PERCO). Les conditions d’embauche de ce salarié ne sont pas précisées. Le salarié peut être à temps partiel et au smic.

Le mécanisme du contrat d’intéressement permet de distribuer une somme d’argent en fonction de l’activité ou du niveau de résultat. Les critères qui sont déterminés doivent être aléatoires, objectifs et mesurables. L’intéressement est déductible du bénéfice de l’entreprise et génère un crédit d’impôt intéressement de 30 %, ce qui n’est pas le cas pour les PEI-PERCO. L’épargne du dirigeant est optimisée grâce au couple contrat d’intéressement/PEI-PERCO. L’intéressement peut être versé sur le PEI-PERCO ce qui permet de déclencher l’épargne que verse l’entreprise sur ce PEI-PERCO. Dans ce cas le dirigeant est propriétaire d’une somme d’argent sans avoir épargné un seul euro de son épargne personnel, bloquée dans un premier temps, mais non soumis à l’impôt sur le revenu et faiblement soumis aux charges sociales.
 

Nicolas Bollé est expert comptable et commissaire aux comptes au sein du cabinet Guery Bollé.


15 Juillet 2015