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Compétitivité et innovation, l’indissociable tandem du discours des patrons





La compétitivité occupe une place prioritaire dans les politiques comme dans le débat public : experts, politiciens, et journalistes se saisissent régulièrement de la question. Dans ce contexte, il est une voix qu’il convient d’écouter plus attentivement: celle des dirigeants d’entreprises, particulièrement à même d’en parler, le plus souvent sous l’angle de l’innovation.



(Source : freedigitalphotos)
(Source : freedigitalphotos)
Une compétitivité en panne

Définir la compétitivité en se référant à la racine du mot nous permet d’affirmer qu’il s’agit du fait pour une entreprise d’être capable de supporter la compétition – autrement dit la concurrence - pour tirer des revenus de son activité, afin de s’installer sur son marché. Une position que les entreprises françaises ont globalement du mal à tenir, comme en témoignent quelques symptômes. Le rapport Coe-Rexecode (1) révèle par exemple que les parts de marché de la France à l’exportation ont reculé pendant 10 ans, avant de simplement se stabiliser en 2012. C’est ainsi que depuis 2000 les produits français ont perdu 2% de parts de marché à l’international. Autre signe inquiétant : les marges et les bénéfices s’érodent, et la recherche et développement en pâtit. Les parts de la dépense en R&D dans le PIB s’élèvent ainsi à 2.25% en 2011, contre 2.82% en Allemagne par exemple. Et sans R&D, pas d’innovation, et donc des produits moins concurrentiels...

L’innovation, la clé de la compétitivité retrouvée

Car les dirigeants sont unanimes : pour renouer avec la compétitivité, il faut avant tout innover. Le pacte de compétitivité des grands patrons consacre une partie entière à ce sujet, quand un rapport de la Commission européenne publié en avril dernier souligne, pour expliquer les problèmes de compétitivité français,  « un manque relatif d'innovation dans le secteur privé par rapport aux principaux concurrents de la France ». Les dirigeants d’entreprises françaises compétitives –car bien sûr, il en existe, qui occupent une place de leader sur leur marché et ont la particularité de bien exporter leurs produits, l’affirment eux aussi : pas de compétitivité sans innovation.

C’est du moins ce qui ressort, en substance, du discours de nombreux patrons, à l’instar de Pierre-André de Chalendar, le PDG de Saint-Gobain. Chez le leader mondial de l’habitat, les technologies numériques sont par exemple employées à des fins de R&D : « Nous avons aussi mis en place, dans le cadre de travaux de recherche, une cellule qui travaille sur la réalité virtuelle permettant de simuler la manière dont se comportent nos matériaux, explique Pierre-André de Chalendar. À l’aide de logiciels, nous pouvons visualiser le comportement et l’intégration dans le paysage d’un bâtiment avec des façades en verre. Nous mettons également au point des simulateurs d’application pour les mortiers. Nous formons les applicateurs avec des outils virtuels afin qu’ils s’entraînent à bien répartir un enduit sur un mur. » Ainsi, la modélisation dépasse les frontières de l’architecture et s’immisce dans les métiers jugés plus traditionnels du bâtiment, dont les acteurs français sont aujourd’hui confrontés à une concurrence croissante des pays émergents.

Autre cas emblématique d’une « industrie artisanale » qui a su opérer sa mue technologique : celui du secteur de l’impression fiduciaire. Les documents hautement sécurisés comme les passeports et, plus encore, les billets de banque que le Français Oberthur Fiduciaire imprime pour 70 banques centrales à travers le monde, sont « de véritables condensés de technologie et le fruit d’une innovation permanente », selon Thomas Savare, qui dirige l’entreprise familiale. « Nous ne devons pas seulement conserver une longueur d’avance sur nos concurrents mais également sur les contrefacteurs et les faux-monnayeurs contre lesquels nous sommes engagés dans une véritable course de vitesse », précise-t-il. Et mieux vaut-il, pour leur tenir la dragée haute, chercher à se concentrer sur ce que l’on fait de mieux : « L’économie globalisée est un univers darwiniste, poursuit le patron d’Oberthur Fiduciaire : seuls les meilleurs de leur secteur, ceux qui maintiennent leur avance technologique, survivent ».

Chez Thuasne aussi, innovation et compétitivité sont intimement liées. Cette société de matériel orthopédique médical  consacre 5% de son chiffre d'affaires à la recherche d'évolutions techniques et technologiques, et dépose entre 2 et 4 brevets chaque année. Une stratégie payante, qui lui permet d’être compétitive au niveau mondial puisque le tiers de son chiffre d’affaire est réalisé à l’export. L’entreprise en est convaincue : « la compétitivité est forcément nourrie de l’innovation, ce n’est pas possible autrement ». 
Chez Rossignol, le fabriquant de skis, même état des lieux : la recherche de compétitivité fut il y a quelques années synonyme de survie. Et le pari a été gagné : après un passage à vide, l’entreprise renoue avec les bénéfices, grâce à une politique de qualité et d’innovation matérialisée notamment par deux mouvements de relocalisation de son outil de production. Pour Bruno Cercley, le PDG de Rossignol : « Il n'y a pas un problème qu'une entreprise ne puisse résoudre avec un bon produit. Notre succès vient à 95 % de nos nouveaux produits qui absorbent 50 % de nos investissements. Nous ne vivons que par le matériel de ski ; nous avons donc l'obligation d'être bons et d'innover en permanence. » Un constat de bon sens corroboré par le point de vue de Stéphane Richard, le patron d’Orange, qui n’hésite d’ailleurs pas au passage à mettre à mal une conception très hexagonale de l’innovation : « En France, on confond encore la recherche fondamentale et académique avec l'innovation. Ce qui est important dans la compétition mondiale, c'est l'innovation produit, ce qu'il y a dans la main du client. »

Miser sur l’excellence : la qualité au secours de la compétitivité

L’innovation va de pair avec une autre caractéristique : l’excellence dont peuvent se prévaloir plusieurs sociétés hexagonales et qui leur confère aussi un véritable avantage concurrentiel, notamment à l’international. C’est ce que souligne le rapport « Pour un choc de compétitivité en France » (2) publié en 2012 par l’Institut de l’Entreprise. Rédigé notamment par des dirigeants, il affirme que « seule la qualité de nos produits et services permet de faire face à la concurrence issue des pays à bas coût de main-d’œuvre ». C’est pourquoi il engage à « faire le pari de la qualité », malgré une conjoncture défavorable et des indicateurs plutôt ternes.
 
(1) http://www.coe-rexecode.fr/public/Analyses-et-previsions/Documents-de-travail/La-competitivite-francaise-en-2012
(2) http://www.institut-entreprise.fr/fileadmin/Docs_PDF/travaux_reflexions/Notes_de_Institut/choc_competitivite.pdf


27 Novembre 2013