SET Environnement : plongée opérationnelle au cœur de la dépollution

Entretien avec son Président, Eric Vallée




Véritable fléau pour la santé des populations exposées, l'amiante a néanmoins été massivement utilisée durant des décennies en construction. S'en débarrasser est devenue une urgence de santé publique, mais la démarche impose le recours à des professionnels de la dépollution hautement spécialisés. Rencontre et explications avec l'un d'entre eux.



L’amiante est interdite en France depuis 1997 mais des milliers de personnes y sont encore exposées sans le savoir. Il arrive d’ailleurs régulièrement que des chantiers soient interrompus suite à la découverte d’amiante. Quels sont les risques qu’elles encourent ?

L’amiante est une roche naturelle qui a la particularité de se déliter en fibres, suffisamment microscopiques pour passer outre les barrières naturelles de l’organisme humain, et notamment pénétrer les poumons.  De plus, ces fibres sont très résistantes, ce qui a valu à l’amiante d’être massivement utilisée comme matériau isolant,  mais ne sont pas assimilables par le corps humain. L’amiante présente donc un risque sanitaire car elle peut générer des maladies respiratoires, voire des cancers. Le système législatif français est très strict. Avant de débuter un chantier, les maîtres d’ouvrages sont dans l’obligation de faire des diagnostics afin de détecter la présence d’amiante.

Si tel est le cas, le propriétaire du bâtiment fait appel à une entreprise de désamiantage qui est obligée d’avoir une certification et donc d’avoir démontré son savoir-faire. Pour obtenir cette certification, l’entreprise doit mettre en place un certain nombre de procédures administratives et de suivi de chantier. Le respect de ces procédures est contrôlé par un organisme indépendant (AFNOR, Qualibat ou Global Service) qui effectue des visites inopinées sur les chantiers.

Il existe tout un panel de techniques qui peuvent être mises en place, comme le confinement qui a pour effet de créer une bulle parfaitement étanche autour du chantier. Par exemple, nous pouvons opter pour un confinement statique, mais également créer des mouvements d’air afin de diriger les poussières contenant de l’amiante, vers des extracteurs d’air qui permettent de filtrer l’air, de capter les fibres d’amiante et de rejeter un air assaini. Ces méthodes sont déterminées en fonction de l’évaluation des risques du chantier à travers la préparation d’un « plan de retrait », que les professionnels du désamiantage doivent rédiger et envoyer systématiquement à l’inspection du travail ainsi qu’aux Caisses d’Assurance Maladie. De plus, l’entreprise de désamiantage est soumise à des contrôles tout au long du chantier, afin de s’assurer que les gens vivant à proximité ne sont pas exposés à l’amiante. Tout est mis en place pour les habitants qui se situent à côté de ce type de chantiers soient protégés. 

Il arrive à ce titre que vous interveniez au cœur même des espaces que fréquente le public (grandes surfaces, bureaux, etc.). Comment vous assurez-vous de la sécurisation des lieux et de ses alentours ?

La spécialisation de SET Environnement est d’intervenir sur des sites occupés (hôpitaux, usines, centres commerciaux) par opposition à un bâtiment vide, voué à la démolition ou isolé des avoisinants. Pour intervenir dans un site en exploitation, il s’agit de bien comprendre le fonctionnement du site : nous étudions tant le passage des gens que celui des mouvements d’air liés aux systèmes de climatisation par exemple. C’est une étape cruciale afin de pouvoir faire une évaluation des risques et d’élaborer les méthodes qui permettront d’isoler la zone de travaux par rapport aux autres qui restent en zone publique.

Chaque chantier est unique. Notre expertise tient de notre longue expérience et de notre approche: il s’agit de se montrer imaginatifs et de proposer la solution qui soit la moins dégradante possible. Car l’exploitation du bâtiment sera forcément un peu dégradée lors d’un chantier de désamiantage, au même titre que lorsque des pompiers interviennent lors d’un incendie, ils bloquent les rues avoisinantes et dégradent automatiquement l’environnement.

En tant que « pompiers de l’amiante », il faut arriver à placer le curseur au bon endroit entre les exigences liées à la sécurité et les préoccupations liées à l’exploitation économique qui sont légitimes. Mais la priorité absolue reste de faire le chantier en toute sécurité. Il est déjà arrivé que nous refusions un chantier car le client bloquait sur certaines de nos exigences et faisait prendre des risques à l’environnement, au public et aux salariés de l’entreprise. 

Les équipements actuels et les règles de sécurité en vigueur permettent-ils vraiment d’assurer un risque zéro aux techniciens qui interviennent sur les chantiers de désamiantage ?

Le risque zéro n’existe malheureusement pas car le désamiantage reste un métier d’homme où des erreurs humaines comme des défaillances de matériel peuvent survenir. Notre responsabilité est donc d’amener le risque au niveau le plus bas possible. Cela implique des techniciens très qualifiés et formés en permanence. Ces derniers sont obligatoirement en CDI, conformément aux exigences du Code du travail. De plus, il existe un contrôle médical renforcé, réalisé sous la supervision du médecin du travail, pour l’ensemble des salariés. Notre responsabilité est bien de nous assurer que toutes ces règlementations soient respectées.

Il s’agit également d’adopter une démarche proactive : nous sommes constamment à la recherche des meilleurs équipements sur le marché. C’est une démarche exigeante mais plus qu’indispensable pour les professionnels de l’amiante qui sont en première ligne. Il ne faut pas perdre de vue les risques en matière de santé que présente l’amiante : les maladies peuvent se déclarer des mois, voire des années après.  Aussi, il est de notre responsabilité de prouver que nous avons été au-delà de ce qui était imposé. C’est une garantie en faveur d’une politique RH pérenne, en accord avec notre vision durable de l’entreprise.

La règlementation amiante a beau être drastique, elle n’empêche pas certains acteurs du marché de se comporter de façon peu scrupuleuse : sacs éventrés, décharges clandestines d’amiante… Comment et jusqu’où garantissez-vous la sûreté du cycle de désamiantage ?

A chaque acteur de faire l’arbitrage entre le coût et la sécurité. Force est de constater que si l’arbitrage se fait en faveur du coût, les risques sont multipliés. En revanche, si chaque acteur prend en compte de manière sérieuse la sécurité, c’est toute la filière qui gagne. La réussite d’un chantier de désamiantage tient du sérieux de l’entreprise sollicitée mais aussi de la perception du maître d’ouvrage. Nos clients sont sensibles à ce discours et ont parfaitement compris que la sécurité a un coût. Le véritable enjeu est de créer une synergie positive entre tous les acteurs afin de garantir la sécurité de tous.  
 
En outre, nos process permettent un contrôle maximal sur des chantiers afin de détecter un problème très en amont et donc le corriger au plus vite. Quand la réglementation fixe un seuil « plancher », nous adoptons systématiquement une norme « mieux disante ». Par exemple, pour un chantier qui nécessiterait un simple confinement, nous n’hésitons pas à mettre en œuvre des zones tampon afin d’élargir le périmètre de sécurité.

Quel est le coût de la dépollution ? De manière sous-jacente, certains acteurs de la filière sont-ils tentés par la stratégie du « moins-disant » ?

Le désamiantage est un métier qui a la réputation d’être cher et où il n’existe pas de retour sur investissement. Il n’est pas rare pour un même dossier ou un même appel d’offre, de constater des écarts de prix très importants, surtout si le maître d’ouvrage décide de faire une consultation sans mettre de cahier des charges précis. Et ces écarts peuvent aller du simple au triple entre l’entreprise la moins chère et l’entreprise la plus chère.

C’est aussi la responsabilité du maître d’ouvrage qui doit faire son arbitrage entre la sécurité et le coût. Notre métier est assez technique et souvent, les acteurs ne sont pas informés de manière suffisante. Je conseille donc très souvent de prendre un maître d’œuvre ou un bureau d’études qui accompagnera le maître d’ouvrage dans la définition de son cahier des charges, afin de s’assurer que les entreprises sollicitées répondent avec un minimum de sécurité. Cela permet également que le chantier soit contrôlé par des acteurs familiers avec les techniques du désamiantage, ce qui assure un niveau de sécurité supplémentaire. 

La valeur limite d’exposition de 100 fibres par litre d’air a été diminuée à 10 f/L afin de protéger les professionnels de l’amiante qui sont en première ligne. Cette nouvelle législation répond-elle à leurs attentes ?

Cette nouvelle législation va très clairement dans le bon sens puisqu’elle diminue le seuil d’exposition. Elle est donc en faveur d’une meilleure protection des salariés du désamiantage. Cela induit également de nouveaux équipements ainsi qu’une plus grande vigilance et de plus nombreux contrôles afin de s’assurer que cette limite n’est pas dépassée. Je suis  persuadé que cette nouvelle norme permettra de mettre en avant les professionnels du désamiantage, conscients des exigences de ce métier et qui s’attachent à le faire de la manière la plus durable. 

SET Environnement est dans le désamiantage depuis bientôt vingt ans. La France sera-t-elle bientôt un jour désamiantée ou cela restera-t-il un vœu pieux ?

L’amiante existe à l’état naturel. La question est donc plutôt : parviendrons-nous un jour à éradiquer tous les biens manufacturés et matériaux qui contiennent de l’amiante ? Je pense que oui : nous avons les capacités techniques de le faire. Reste la question de l’échéance car les bâtiments ont un cycle de vie long. Souvent sur les immeubles construits dans les années 70, il faut aller jusqu’à la démolition complète du bâtiment pour éradiquer totalement l’amiante.

De plus, l’amiante présente dans les revêtements des routes pose problème. Là encore, il faut du temps afin d’enlever le goudron d’une chaussée pour remettre un revêtement sain. Le désamiantage fait donc partie d’un schéma qui s’inscrit, à mon sens, sur plusieurs dizaines d’années. Il doit se faire au rythme des besoins en bâtiments et en routes. Et c’est le rôle des responsables politiques, des propriétaires et des maîtres d’ouvrage que de surveiller ces enjeux et d’établir des priorités dans les travaux à accomplir en fonction des risques.

Historiquement, SET Environnement est un expert de la dépollution au sens large. Quels sont les autres formes de pollution sur lesquelles vous êtes appelés à intervenir ?

L’entreprise a été créée en 1986 et nous nous sommes spécialisés dans les travaux de dépollution des bâtiments amiantés dès 1996, par anticipation de la législation mais également pour répondre aux besoins des pouvoirs publics. L’amiante reste donc notre cœur de métier, mais notre savoir-faire nous permet d’intervenir sur d’autres types de pollution. Car c’est bien l’évaluation des risques et la gestion de la sécurité qui font notre valeur ajoutée.  Le schéma en matière de gestion de la poussière et des composés volatiles, comme celui ayant trait à la protection des salariés ou de l’environnement restent identiques.

Ainsi, nous intervenons également sur la pollution causée par la peinture au plomb et nous avons également été appelés à intervenir sur les questions de dépollution radioactive. La problématique est assez proche de celle de l’amiante, notamment sur la question de la gestion des poussières. De fait, nous adaptons notre expertise en fonction du type de pollution. Reste à ne pas mélanger les appareils qui traitent de l’amiante avec ceux qui traitent du plomb par exemple, et prendre le risque d’importer une nouvelle pollution. 


9 Mars 2016