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Pour une humanisation des rapports au travail





Qu’ils soient simplement mal compris ou tout bonnement condamnables, certains comportements posent parfois problèmes au travail. Plus particulièrement, l’incivilité au travail peut résulter en un profond malaise pour les collaborateurs qui l’expriment parfois de la plus extrême des façons. Le phénomène pousse à la réflexion sur la nécessité du dialogue dans les rapports professionnels.



Pour une humanisation des rapports au travail
L’incivilité et la violence sur le lieu de travail est un problème fondamental pour les entreprises. Ses conséquences sont néfastes pour l’efficacité du travail, mais aussi pour la notoriété. Récemment par exemple, le suicide d’un cadre employé par La Poste a illustré la faillite du management du groupe. Dans sa lettre de suicide, l’employé disait se sentir « acculé » par sa hiérarchie ; il avait également envoyé des e-mails à la direction du groupe pour faire part de son problème mais son appel n’a jamais été entendu.
 
En mars 2012, c’est un cadre supérieur de Goldman Sachs qui signait une tribune dithyrambique dans le New York Times. Cet employé, Greg Smith, y dénonçait la perte de valeur de la grande banque d’affaire américaine et sa transformation en un environnement « toxique et destructeur ». Choqué par la « faillite morale », le mépris quotidien de certains de ses collègues portaient à l’égard des clients et lassé de voir ses supérieurs indifférents, Smith a donc démissionné de son propre gré après 12 ans de bons et loyaux services. Pour Smith c’est clair : la culture de son entreprise a changé et la faute revient à la négligence de la nouvelle direction de la firme en 2007 et 2006. Le monde entier se trouve ainsi en face d’un bilan médiatique bien désastreux pour Goldman Sachs.
 
Ailleurs aussi certaines entreprises font les frais d’une atmosphère de travail qui a périclité. Que ne trouve-t-on pas sur des sites comme notetonentreprise.com où les employés de toute la France expriment librement et sans peur des représailles leur ressenti au sein de leur entreprise ? L’absence de dialogue en période de tension et le manque de respects entre les corps de métiers y est à première vue particulièrement déploré. Ces témoignages révèlent des cas d’incivilité qui gangrènent parfois des entreprises entières.
 
Pour sa part ce qui rends la tribune de Greg Smith si poignante, c’est qu’il ne témoigne pas seulement de ces situations de tensions accrues vécues sur le lieu de travail mais tente aussi d’en trouver la cause. Pour l’ancien employé de Goldman Sachs, la chasse au profit facile en est l’origine. Mais plus largement ?
 
Stress et exigences de résultats sont des facteurs naturels de tensions au travail mais ils ne sont pas nouveaux. En revanche, la mobilité et les technologies de l’information ont bel et bien bouleversé les modes de vie contemporains. Ils pourraient contribuer à expliquer l’existence de ce malaise profond dans certaines entreprises et dont on retrouve parfois l’expression tragique dans des cas comme celui de la Poste ou d’EDF en 2010.
 
Par exemple, les échanges professionnels par e-mail ou par téléphone portable ne font à ce jour l’objet d’aucune forme de codifications. Ainsi, conclure un SMS par une formule de politesse se fait à la discrétion du rédacteur et non pas en référence à une norme comme c’est le cas pour les lettres. Aussi, le témoignage de Greg Smith se révèle encore une fois très instructif lorsqu’il explique avoir travaillé avec différents directeurs de projets qui avaient pour habitude commune de qualifier leurs clients de « pantins » jusque sur leur messagerie intranet.
 
Les mouvements pendulaires et les transports sont également une source de tension. La grande majorité des actifs se déplacent en voiture ou en transport public pour se rendre sur son lieu de travail. Qu’il soit obligé de partir deux heures en avance pour anticiper le temps perdu dans les bouchons ou qu’il n’est jamais pu s’asseoir dans la rame de métro qu’il emprunte pour rejoindre son bureau, le travailleur est bien souvent plongé dans des étapes quotidiennes où son prochain devient une source de gêne. Durant ces moments improductifs, désagréables et répétés, la frustration alimente le manque de respect.
 
De l’échange verbal houleux à l’agression physique, il n’y a qu’un pas. Chaque collaborateur peut se montrer responsable et faire preuve de modération pour éviter l’escalade de la violence au sein d’une entreprise ou d’un groupe de travail. Mais ce qui apparaît clairement en filigranes avec ces quelques témoignages, c’est la faillite du management. C’est en effet à la première des missions d’un manager que de faire cohabiter les membres de son équipe pour, ensuite, en révéler les talents. Le manager est un médiateur ; il crée des liens entre les collaborateurs. Or avant d’être médiateur, il convient d’être capable soi-même de tisser des liens avec les autres, de vivre avec eux, de dialoguer et d’écouter. Prendre des responsabilités n’est pas qu’une question de compétence, c’est aussi une affaire de savoir-vivre et d’humanité. Il revient à Greg Smith le mérite de le rappeler.


12 Avril 2012