Entreprises & Décideurs
Corporate management: information pour les dirigeants

Entreprises & Décideurs

Accueil
Envoyer à un ami
Version imprimable

Philippe Laratte, Président de Boutique Nature

"Une carrière professionnelle doit avoir du sens"





Aujourd’hui Président de Boutique Nature, entreprise spécialisée dans les compléments alimentaires et cosmétiques naturels, Philippe Laratte a mené une carrière éclectique entre les Etats-Unis et la France. Patron atypique, il nous fait partager ses convictions selon lesquelles une vie professionnelle est, avant tout, une quête de sens.



Philippe Laratte, Président de Boutique Nature
E&D: Philippe Laratte, pouvez-vous vous présenter et nous retracer votre parcours?
 
Philippe Laratte: Je suis actuellement président de Boutique Nature, une entreprise spécialisée en compléments alimentaires. Je suis diplômé de l’EPSCI du Groupe ESSEC et également d’un MBA de Kellogg School of Management. Je suis un homme de marketing. J’ai commencé ma carrière aux Etats-Unis, en plein Midwest, où j’ai passé 5 ans comme trader en maïs et soja pour Louis Dreyfus. J’ai ensuite travaillé pour des entreprises comme Johnson&Johnson, Cinzano et Unilever, avant d'être directeur marketing de Coca Cola en France, puis au niveau européen. Pour résumer, on m'a donné la chance d'exercer des responsabilités aux quatre coins du globe, ou presque! Jusqu'ici ma vie a donc été ponctuée d'expériences professionnelles mais aussi culturelles très variées et enrichissantes sur le plan individuel.
 
Pour vous une carrière doit avoir du sens, que cela signifie-t-il ?
 
Je pense que, selon le proverbe, « il ne faut pas gagner sa vie en la perdant ». Cela veut dire qu'il faut toujours faire les choses avec passion d'une part, et d’autre part qu'il faut toujours se demander quel est l’impact positif de son action pour la collectivité. Une vie professionnelle réussie, pour moi, s’inscrit dans une dynamique de plaisir, d'épanouissement personnel et d’engagement social. 
 
Être un homme de marketing n’est-il pas contradictoire avec le sens de l'engagement que vous évoquez ? Le marketing est souvent décrit, à l’instar de Naomi Klein dans No Logo, comme un outil de manipulation des consommateurs.
 
Je ne partage pas cette vision réductrice du marketing. Je pense que cette discipline au contraire vise à permettre à l’offre de s’adapter à la demande. Or lorsque l’on prend de la hauteur sur le rôle social du monde économique n’est-il pas précisément de permettre à la collectivité de subvenir à ses besoins? En conséquence je pense que le marketing est un outil essentiel qui permet aux entreprises de jouer leur rôle en proposant des produits adaptés aux besoins collectifs. Souvent ce que l’on confond c’est la notion de besoin. On s’imagine que ceux ci sont purement matériels : il faut des chaussures pour marcher, des maisons pour se loger, de la nourriture, etc. C’est en effet essentiel. Cependant, les besoins sont également psychologiques comme marquer l’appartenance à un groupe social ou encore l’accès à la culture. Et je considère que s'ils concourent à améliorer l'estime de soi, à marquer sa singularité, à affirmer ses convictions, ou à adopter un mode de vie différent, alors ils ne sont pas anodins. Le marketing vise aussi à combler ces différents aspects.

Mon côté "citoyen du monde" m'a probablement ouvert l'esprit quant à la diversité "des goûts et des couleurs" et au rôle de nos cinq sens principaux dans nos décisions. Le marketing est tout l'inverse de la standardisation: il doit aider chacun à se définir et à vivre selon soi. Dans ma carrière de « marketeur » j’ai toujours eu le sentiment d’être utile. Je passais la plupart de mon temps à être attentif aux aspirations sociétales pour adapter l’offre dont j’étais responsable. Il me semble important de toujours réfléchir à son utilité sociale. Cette conviction a toujours été un moteur me permettant de m’investir à fond.  
 
Vos responsabilités actuelles de patron dans la filière naturelle sont-elles en rupture avec ce que vous avez fait précédemment ?
 
Non pas du tout. Développer Boutique Nature est conforme tant à mes idéaux sociétaux qu’à mon goût pour l’action. Mon engagement dans cette aventure humaine me comble au-delà de mes espérances. Le développement de cette entreprise est en effet un défi collectif relevé avec une équipe déterminée et motivée. Cette société jouit de tous les atouts traditionnels des PME agiles et innovantes : une équipe resserrée, des rapports humains francs et directs, des décisions partagées et rapides. La particularité tient à un engagement des salariés autour des produits de la phytothérapie et de la filière naturelle.
 
Mais pourquoi, précisément, avoir fait le choix d'entreprendre dans la filière naturelle?
 
Nous ne vendons pas des produits anodins, puisque ceux-ci touchent au domaine du bien être et de la santé. A 55 ans, je suis particulièrement heureux de pouvoir apporter à la filière des produits naturels les compétences que j’ai acquises au sein des grands groupes internationaux. Pouvoir participer au développement de ce marché, contribuer à rendre possible une nouvelle approche – complémentaire – de la santé et du bien-être, favoriser l’émergence de nouveaux produits plus naturels est pour moi une grande satisfaction. Les hommes et les femmes qui ont créé Boutique Nature figurent parmi les plus inventifs qu'il m'ait été donné de rencontrer. Ils sont capables de combiner avec aisance les connaissances empiriques de la filière avec les dernières avancées scientifiques de la phytothérapie et de la cosmétique. Eux et moi sommes donc complémentaires: ils ont une expertise technique, et je leur propose une approche sociale de leur métier. Ainsi, on ne considère pas uniquement le consommateur comme un patient.

Au-delà de ses besoins purement fonctionnels, Boutique Nature s'attache à prendre en compte ses habitudes et ses attentes morales, sensorielles ou ses valeurs de vie. J'y trouve une opportunité de m'investir dans une cause qui m'est chère : celle de la nature et du bon sens sur la durée. Cette entreprise me permet en effet de traduire en actes une conviction intime : la plupart des grands problèmes rencontrés aujourd’hui, que l’on regroupe généralement sous le thème général du développement durable peuvent être, en grande partie, résolus par l’engagement des acteurs économiques à condition qu’ils répondent aux véritables demandes que leur adressent la société et les consommateurs.
 
Vous semblez accompli sur le plan professionnel comme sur le plan personnel. Quels conseils donneriez-vous aux jeunes à l'aube de leur vie professionnelle ?
 
Je ne suis pas coutumier de la demi-mesure, et je pense qu’une carrière professionnelle doit se vivre intensément. Je rencontre trop de jeunes diplômés déjà désabusés, qui font des choix par dépit pour, disent-ils, bâtir leur carrière. C'est dommage, quand on a la vie devant soi, mais déjà plus aucun rêve. Je crois aussi qu’il faut être exigeant  envers soi-même dans une vie professionnelle, et qu'il ne faut pas avoir de regrets. Réussir c’est, avant tout, faire ce qui est conforme à ses aspirations personnelles. Pour ma part, cultiver l’action et  mettre un sens sur ma vie professionnelle, dans un souci d'utilité sociale, ont toujours été un fil conducteur. Et tous mes choix ont été dictés par une certaine appétence pour la découverte de nouveaux univers géographiques, culturels et sensoriels.


12 Avril 2012