Pascal Chaigneau – Agir dans l’incertitude




Pascal Chaigneau est professeur des universités et professeur affilié à HEC Paris où il est notamment directeur scientifique du Master en management des risques internationaux. Avocat en droit international et Conseiller du Commerce Extérieur, il est récemment intervenu à l’occasion du troisième colloque réunissant l’ENA, l’École de guerre et HEC autour du thème : « agir dans l’incertitude ». Pascal Chaigneau a participé à la consignation des échanges de ce colloque au sein d’un livre éponyme , donnant ainsi à Entreprises & Décideurs l’occasion d’explorer sous un angle éclectique la notion de prise de risque.




Entreprises et Décideurs : La prise de risque est-elle le fait de l’instinct ou un acte rationnel ?

Pascal Chaigneau : Le risque constitue à la fois un danger et une opportunité. Assumer un risque c’est générer de la profitabilité si ce risque a été calculé. Aujourd’hui, l’instinct a fait place à la stratégie et à la quantification des risques enseignés dans toutes les écoles de management.

E&D : Le colloque qui a inspiré votre dernier livre est sans aucun doute révélateur des préoccupations des dirigeants quant à la prise de risque. En quels termes les expriment-ils ?

Pascal Chaigneau : L’incertitude n’est pas nouvelle. Elle a toujours existé. Elle est cependant amplifiée aujourd’hui par un flux d’informations toujours plus grand et plus rapide. Dès lors, le rôle du décideur est d’en tirer parti.

E&D : Quelles sont les composantes d’une situation ou une prise de risque s’avère indiquée, voire nécessaire ?

Pascal Chaigneau : La maîtrise des risques est désormais pratiquée dans le monde de l’entreprise, mais aussi dans les administrations. Quand vous êtes en compétition, savoir jusqu’où vous pouvez aller dans le risque est au cœur de la stratégie de décision.

E&D : En quoi la prise de risque se différencie-t-elle du monde des affaires à celui de l’armée ou de l’administration ?

Pascal Chaigneau : Dans l’armée, l’approche du risque est souvent intuitive et liée au caractère du chef. Dans les administrations, le risque est encore trop déconnecté du concept de conséquences économiques. Dans le monde des affaires, la sanction est immédiate parce qu’elle est précisément économique.

E&D : Quelles sont, selon vous, les contributions des approches administratives et militaires de la prise risque pour la pratique des affaires commerciales ?

Pascal Chaigneau : Une étude récente du Cabinet Bain & Company a démontré s’il en était besoin que le monde militaire a apporté les fondamentaux de la discipline stratégique. Désormais, décideurs institutionnels, décideurs privés et militaires rationalisent le risque avec les mêmes modèles, mais avec des finalités différentes.

E&D : À l’inverse, pour quelles raisons la perspective d’un professionnel du business à l’égard de la prise risque est-elle enrichissante pour un militaire ou un administrateur ?

Pascal Chaigneau : De plus en plus, les militaires et les diplomates sont confrontés à la question des « actions civilo-militaires » c’est-à-dire la rentabilité des reconstructions post conflits. Il s’agit là d’une nouvelle culture de rentabilité introduite par les Américains. De même, dans les administrations aujourd’hui, le concept de rentabilité est devenu un paradigme.

E&D : Voyez-vous d’autres facteurs de ressemblance ou de divergence entre la perception des risques pour les entrepreneurs et pour les militaires ?

Pascal Chaigneau : Toute décision repose sur le renseignement et la prospective. C’est de la valeur donnée au renseignement que découle le processus de décision. Pendant longtemps, le renseignement a été perçu comme le quasi-monopole du militaire. Aujourd’hui, la veille stratégique est au centre de la préoccupation des entreprises.


5 Juillet 2012