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La transmission d’entreprise, une urgence économique que les patrons repoussent





Alors que la transmission d’entreprise s’impose comme l’un des grands enjeux économiques de la décennie, le décalage entre le nombre d’entreprises à céder et celles réellement transmises révèle l’ampleur des freins psychologiques, financiers et organisationnels qui pèsent encore sur les patrons.



Transmission et freins psychologiques : l’obstacle invisible chez les patrons d’entreprise

Le 27 novembre 2025, Bpifrance a rendu publics de nouveaux travaux confirmant que la transmission d’entreprise entre dans une zone critique pour l’économie française, avec un potentiel massif identifié à l’horizon 2030, mais aussi des freins complexes qui ralentissent fortement les opérations malgré l’urgence démographique chez les dirigeants.

La transmission demeure d’abord un choc personnel pour de nombreux patrons, car l’entreprise est souvent assimilée à une œuvre de vie. Pourtant, selon Bpifrance Le Lab, 370.000 entreprises sont concernées d’ici 2030, un chiffre publié le 27 novembre 2025 par l’organisme public. Cependant, alors que ce volume représente un enjeu économique majeur, la transmission reste bloquée, parce que les freins psychologiques dominent encore, et parce que l’identification au statut de dirigeant complique la décision, tandis que, dans le même temps, seules 26.000 entreprises ont été transmises en 2024, confirmant l’écart entre besoin et réalité.

Cette dimension intime est assumée par les acteurs du secteur. « La transmission-reprise d’entreprise est un enjeu majeur pour l’économie et l’emploi en France », a déclaré Éric Versey, directeur exécutif Financement et Réseau de Bpifrance. Pourtant, malgré cet enjeu collectif, la transmission reste un parcours émotionnel complexe pour de nombreux patrons, car le renoncement au pouvoir, la peur de voir l’entreprise changer, et l’attachement aux équipes nourrissent les hésitations, tandis que, dans les faits, le marché continue de ralentir, puisque seulement 130.000 transmissions seraient réalisées sur cinq ans au rythme actuel.

Transmission, freins complexes et manque d’anticipation dans l’entreprise

La transmission est également freinée par une préparation insuffisante des dirigeants, ce qui rend les dossiers fragiles au moment de la cession. Ainsi, 70% des dirigeants qui envisagent une transmission dans plus d’un an n’ont pas encore engagé de préparation concrète. Or, sans anticipation, la transmission devient désorganisée, les valorisations se dégradent, et les repreneurs se détournent, car, d’une part, l’information est lacunaire, d’autre part, le projet n’est pas stabilisé.

Cette impréparation est encore plus marquée dans l’entreprise familiale, secteur pourtant central dans l’économie française. Selon l’Observatoire de la Fondation MMA des Entrepreneurs du Futur, publié le 17 novembre 2025, 47% des dirigeants âgés de 60 à 69 ans n’ont pas formalisé de plan de succession, tandis que cette proportion atteint encore 36% chez les plus de 70 ans. De plus, selon Challenges, 500.000 entreprises pourraient être confrontées à un changement de gouvernance dans les dix prochaines années. Pourtant, malgré ces chiffres, la transmission reste souvent repoussée, car l’anticipation suppose aussi d’accepter la perte progressive du contrôle, ce que beaucoup de patrons vivent comme un renoncement personnel.

Transmission d'entreprise : l'opacité du marché et les freins financiers compliquent les choses

Pour les repreneurs, la transmission se heurte surtout à un verrou clairement identifié : le financement. Pour le repreneur, le blocage principal est le financement, tandis que, pour les cédants, l’obstacle est souvent psychologique, couplé à un manque de préparation. La transmission dépend donc d’un double alignement rarement simultané : un dirigeant prêt à céder correctement préparé, et un repreneur capable de mobiliser des fonds suffisants, alors que les montants à lever progressent avec l’inflation et la concentration du tissu productif.

Face à cette difficulté, les pouvoirs publics ont engagé une réponse financière structurée. Le plan Transmission PME-ETI, lancé en 2025 par Bpifrance, prévoit notamment le déploiement d’un Prêt Croissance Transmission pouvant financer jusqu’à 5 millions d’euros une opération de reprise. Toutefois, malgré cet outil, la transmission reste ralentie par le manque de transparence du marché, par l’insuffisance des mises en relation, et par la méfiance persistante entre cédants et repreneurs, si bien que, malgré les dispositifs, le nombre d’entreprises transmises demeure très inférieur aux 370.000 attendues d’ici 2030.

​Transmission, freins structurels et déséquilibre entre offre et demande dans l’entreprise

Au-delà des enjeux individuels et financiers, la transmission souffre aussi d’un déséquilibre structurel entre l’offre et la demande. Selon Bpifrance Le Lab, le potentiel se répartit entre 310.000 TPE, 58.000 PME et 1.200 ETI. Cependant, alors que le vivier de cédants est statistiquement identifié, le nombre de repreneurs reste insuffisant, notamment pour les petites entreprises situées hors des grands pôles économiques, ce qui crée une transmission à deux vitesses, entre territoires attractifs et zones fragilisées.
Cette asymétrie nourrit aussi des tensions sur les prix. Selon Bpifrance Le Lab, 19% des cédants estiment que l’absence d’offre de reprise constitue un frein, tandis que 18% évoquent un prix jugé insuffisant. Ainsi, la transmission se retrouve bloquée par des attentes divergentes, car les patrons valorisent affectivement leur entreprise, alors que les repreneurs raisonnent en retour sur investissement, tandis que, dans cet entre-deux, de nombreuses structures deviennent économiquement vulnérables faute de perspective claire de cession.

La transmission d’entreprise s’impose désormais comme une urgence économique silencieuse. Pourtant, malgré l’ampleur des chiffres, malgré l’alerte des institutions, malgré la mobilisation financière engagée, les freins restent solidement ancrés dans la psychologie des patrons, dans le manque d’anticipation, dans les contraintes de financement et dans l’opacité persistante du marché, si bien que la transmission demeure aujourd’hui l’un des principaux angles morts de la politique économique des PME.


27 Novembre 2025