La RSE et le capital de marque

Pourquoi les entreprises ont appris à dialoguer




On dit de la RSE qu’elle caractérise la volonté des entreprises d’agir –n’ayons pas peur des mots – pour un monde meilleur. Tant mieux ! Mais peut-être a-t-elle aussi caractérisé, très tôt, la perspicacité de quelques dirigeants qui, précocement conscients de l’émergence de nouvelles formes d’interaction entre le monde de l’entreprise et le consomm’acteur.



Crédit: Flickr (CC)
Frank Riboud, PDG de Danone, a demandé à Nicole Notat,  ancienne secrétaire générale de la CFDT, aujourd’hui dirigeante de Vigeo, leader européen de la notation en développement durable des entreprises, de mesurer le travail accompli par le groupe dans le respect de son « Danone Way ». Ce  système interne vise à mesurer la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) auquel est soumis plus de 90 % du groupe. Une partie du bonus des managers de Danone est indexé sur leur respect des engagements du groupe en matière de responsabilité sociale et non plus seulement sur le respect d’objectifs financiers ou commerciaux.
 
Ce simple fait, très concret, montre que le volet RSE est désormais essentiel pour le groupe agro-alimentaire, l’un des plus grands groupes français. Il signifie, plus globalement, que la RSE, et ses trois volets - l’organisation interne de l’entreprise et ses rapports avec ses partenaires, l’environnement et les relations sociétales, devient, pour le monde économique, une réalité et plus seulement un sujet de colloque. Celui-ci n’a pas décidé brusquement de perdre sa raison d’être qui est de vendre des biens et des services utiles aux consommateurs afin d’en dégager des profits. Non, il continue bien évidement dans cette voie. Mais seulement la RSE devient tant une nécessité qu’un véritable enjeu marketing pour les entreprises.
 
En effet, l’opinion publique est devenue très sensible à ces thèmes. L’information circulant très vite, un mauvais point au chapitre RSE peut avoir de réels effets sur l’activité d’une entreprise. Apple, dont le capital image est particulièrement flatteur, a pourtant été mis en cause parce qu’un de ses sous-traitants chinois employait des travailleurs dans des conditions indignes. Aussitôt, le groupe à la pomme a réagi et a exercé une pression très forte sur ce sous-traitant pour que les choses changent. De la même manière, le groupe Samsung a été mis en cause par une association française, également pour de mauvaises conditions de travail chez un de ses sous-traitants. Une enquête judiciaire a été déclenchée en France. La belle image d’entreprise 3.0 du groupe coréen est désormais écornée. Il lui faudra du temps pour remonter la pente.
 
Ainsi donc les entreprises se soucient particulièrement de la réalité de leur responsabilité sociétale dans son premier volet, les rapport avec leurs partenaires. Pour la mettre en œuvre concrètement, certaines d’entre elles pratiquent le produit-partage. La Redoute reverse 10 euros pour chaque vente d’un modèle d’ours en peluche à l’association Aide et Action, qui veut favoriser l’accès à l’école des enfants dans les pays du Sud. De la même manière, JVC reverse un euro à Action Contre la Faim pour chaque paquet de cassettes d’enregistrement acheté.
 
Cependant, les actions mises en place doivent impérativement s’inscrire de façon pérenne dans la stratégie de l’entreprise et être en cohérence avec sa réalité et ses autres engagements.  Il est tout à fait cohérent pour Optic 2000, un réseau d’opticiens, de soutenir le téléthon aujourd’hui, alors que, dès 1986, le groupement avait lancé de vastes projets humanitaires en Afrique (au Burkina Faso, en Tunisie), puis en France avec le soutien des centres Médecins du Monde. De la même manière, développer une image citoyenne au travers d’une communication proche du client et impliqué dans le tissu social n’est pas une hérésie pour Optic 2000, tant elle correspond à sa réalité profonde : le réseau appartient au monde coopératif, fondé sur l’esprit de solidarité entre ses membres et de démocratie, où la gouvernance repose sur le principe « un homme une voix ».
 
Certaines entreprises insistent évidemment sur le volet environnemental. Elles réalisent  d’importants investissements pour mettre en œuvre ce deuxième volet de la RSE. C’est notamment le cas de Coca-Cola qui, pour préserver l’environnement a créé un bassin végétal avec utilisation de plantes comme agent de traitement des eaux usées pour réduire sa consommation d’eau propre.
 
Il n’en reste pas moins vrai que, si les rapports avec les parties prenantes et le respect de l’environnement semblent à peu près bien respectés, il n’en est pas de même pour le troisième volet : les relations sociales. Peu de documents RSE, que doivent produire obligatoirement depuis 2001, chaque année, toutes les sociétés cotées, renseignent précisément sur l’activité de l’entreprise qui favorise l’amélioration des conditions de travail, l’abondement des restructurations, le social chez les sous-traitants. Là encore, Optic 2000 a mené une véritable action pour créer de l’emploi chez ses sous-traitants. Avec le lancement de la collection MODE in France, l’enseigne apporte un soutien sans faille à l’emploi français. Cette collection, 100% fabriquée en France et certifiée origine France Garantie, illustre l’alliance du savoir-faire technique de fournisseurs de renom et des tendances de la mode à la française. De plus, pour chaque monture de la collection MODE in France, 1€ est reversé à l’AFM-Téléthon pour soutenir la recherche.  Le bilan est flatteur : 600 emplois induits ont été préservés dans le fief de la lunetterie française, le Jura, qui voyait ses usines disparaître les unes après les autres. Afin de valider et optimiser  sa politique en matière de RSE, le Groupe s’est engagé dans une évaluation AFAQ 26000.
 
On le voit, la mise en place d’une stratégie RSE, si elle apparaît totalement nécessaire pour une entreprise dans le cadre du nouveau marketing qui correspond bien aux souhaits des nouvelles générations, n’est pas exempte de difficultés. Car elle doit être aussi concrète que possible, aussi transparente, impliquer toutes les parties prenantes, et appliquer une stratégie gagnant-gagnant avec ses partenaires sur lequel est fondée sa communication, permettant de rechercher une reconnaissance externe. C’est à ce prix seulement que la RSE pourra favoriser la stratégie de marque de l’entreprise.


11 Décembre 2013