La Poste : Philippe Wahl reprend le fauteuil par intérim




Le 25 juin 2025, La Poste a annoncé une décision pour le moins révélatrice de son inertie actuelle : Philippe Wahl, PDG depuis douze ans, est reconduit par défaut à la présidence du conseil d’administration.



Une présidence prolongée faute de mieux

La raison ? L’Élysée n’a pas respecté les délais pour désigner son successeur. Voilà donc le septuagénaire appelé à reprendre du service, dans une posture aussi inconfortable que révélatrice. Une gouvernance de transition a été installée, sans véritable capitaine à la barre. Cette situation souligne à la fois l’immobilisme politique et les incertitudes stratégiques d’un géant en quête de direction.

C’est un communiqué laconique, mais lourd de sens, publié le 25 juin 2025 par La Poste : « En l’absence de désignation à ce jour d’un nouveau président-directeur général de La Poste, […] une gouvernance transitoire est mise en place ». Une formule qui masque mal le désarroi. Philippe Wahl, arrivé à la tête du groupe en 2013, devait tirer sa révérence, frappé par la limite d’âge. Mais faute de décision présidentielle, le conseil d’administration l’a reconduit… temporairement.

La direction opérationnelle, elle, a été confiée à un vétéran de la maison, Philippe Bajou, entré dans le groupe en 1982. Cette scission entre président et directeur général est prévue par les statuts, mais n’en reste pas moins le symptôme d’un blocage institutionnel. L’agenda parlementaire ayant été dépassé, l’exécutif s’est trouvé « hors délai ».

La Poste en attente : six candidats, zéro décision

Six noms ont pourtant été auditionnés par le comité des nominations. Deux profils internes : Nathalie Collin, patronne de la branche Grand Public et Numérique, et Stéphane Dedeyan, président du directoire de La Banque Postale. Mais ce dernier s’est finalement retiré après une polémique sur le niveau de rémunération qu’il réclamait. Il aurait exigé de maintenir un salaire supérieur aux 450.000 euros annuels prévus pour le poste.

Côté externe, la liste semblait solide : Jérôme Fournel, ex-DG des Finances publiques, Sylvie Jéhanno (Dalkia), Claire Waysand (Engie), et Marie Cheval (Carmila). Tous ont de l’expérience, du poids, des réseaux. Mais l’Élysée n’a, à ce jour, validé aucun nom. Le président Emmanuel Macron reste libre de choisir en dehors de cette sélection, mais son silence alimente le flou.

Philippe Wahl, douze années de transformation (ou d’érosion ?)

Philippe Wahl, diplômé de Sciences Po et de l’ENA, a piloté La Poste depuis 2013. Son arrivée avait pour objectif de transformer l’opérateur postal en un groupe multi-services. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a profondément métamorphosé l’institution. Sous sa direction, La Poste s’est diversifiée dans la banque, l’assurance, la téléphonie mobile et surtout la logistique. En 2024, son chiffre d’affaires s’élevait à 34,6 milliards d’euros, un record pour le groupe.

Mais ce virage stratégique ne fait pas l’unanimité. Le syndicat Sud PTT a réagi avec virulence : « Douze années de stratégie industrielle et économique qui ont fragmenté l’accès et la présence postale pour la population », selon leur communiqué. Le reproche principal : avoir sacrifié les missions de service public sur l’autel de la rentabilité.

Une institution sous tension, un futur incertain

L’entreprise emploie 230.000 personnes, dont près d’un quart à l’étranger. Elle reste chargée de missions essentielles – distribution du courrier, presse, aménagement du territoire – que l’État ne compense plus intégralement. Dans ce contexte, la question de la pérennité du modèle économique devient centrale. Or, sans direction claire, ni vision politique tranchée, La Poste est aujourd’hui dans une impasse. Le mandat de Philippe Wahl devait clore un cycle, ouvrir un nouveau chapitre. Il devient une parenthèse.

La reconduction par intérim de Philippe Wahl n’est ni une victoire, ni une continuité assumée : c’est une solution d’attente, révélatrice d’une mécanique institutionnelle grippée. Elle dit beaucoup de l’état du dialogue entre pouvoir politique et entreprises publiques. Et de l’incapacité chronique à désigner rapidement une gouvernance forte. En somme, un fauteuil de PDG vide… que l’on remplit faute de mieux.


27 Juin 2025
Tags : La Poste