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L’innovation ouverte : une suite de cerveaux





Directeur du Centre pour l’Innovation Ouverte de l’Université de Berkeley, le professeur Henry Chesbrough propose une vision actualisée des circuits de l’innovation au XXIème siècle. Quelle est la portée du concept original d’innovation ouverte ?



L’innovation ouverte : une suite de cerveaux
Pour Henry Chesbrough, professeur à l’Université de Berkeley en Californie, l’avantage compétitif d’une entreprise dépend de sa capacité à innover. Il partage en ce sens l’avis de la plupart de ses pairs et des professionnels. Son avis diverge toutefois quant à la façon dont une entreprise peut et doit innover à notre époque. Sur ce point, Chesbrough est en effet très catégorique : « les entreprises n’ont pas besoin et ne doivent pas se reposer exclusivement sur leur politique de R&D pour innover » affirme-t-il dans ses publications.
 
D’après Chesbrough, le modèle d’innovation intégré est en phase de déclin. Les entreprises elle-même reconnaissent d’après lui que « toutes les bonnes idées ne viennent pas de l’intérieur de l’organisation » et que « toutes les bonnes idées créées au sein de l’organisation ne peuvent pas être commercialisé avec succès ».
 
Pour autant, l’innovation ouverte dont parle Henry Chesbrough n’est pas synonyme d’externalisation de la R&D. Le concept fait référence à des pratiques concrètes et utiles à des firmes spécialisées dans la haute technologie tout comme à celles exerçant dans des filières plus traditionnelles. Pour l’auteur, la notion de circulation est centrale : lorsqu’un centre de R&D fait une découverte qui ne peut servir à sa propre entreprise, cette découverte est « dans la majorité des cas ‘callée entre deux rayons’ » ; il doit en aller autrement.
 
Partager les fruits de la R&D avec des « entreprises apparentées » selon des modalités préalablement négociées peut générer des revenus pour l’entreprise mais également lui permettre de s’approprier une découverte qui contribuera à l’ensemble de son activité, en lançant par exemple un nouveau produit. Des outils existent pour permettre cela et prennent notamment la forme de logiciels professionnels spécialisés.
 
La pratique de l’innovation ouverte telle que la propose Chesbrough n’est toutefois pas sans difficulté. Il identifie notamment deux barrières à l’efficacité d’une politique d’innovation ouverte. La première est le syndrome NIH (littéralement « not invented here syndrome ») qui peut être un frein à l’utilisation dans une organisation de découverte réalisé par une autre organisation.
 
La seconde est de parvenir à maintenir la politique d’innovation ouverte suffisamment longtemps pour permettre l’intégration réelle des concepts venus de l’extérieur. Henry Chesbrough préconise un management adapté pour dépasser ces difficultés : « faire le lien entre le retard de croissance avec des explications quant à l’insuffisance des efforts de recherches au regard des objectifs donnés », « passer d’un ensemble de processus ad hoc à une pratique d’innovation ouverte clairement définie » et soutenue par la direction. Ces mesures doivent permettre de surmonter les barrières à l’accueil de concepts venus de l’extérieur.
 
Si, l’innovation ouverte comme concept de gestion est une idée assez nouvelle, elle n’est en rien une pratique inédite. On pense par exemple au développement de la souris d’ordinateur par les bureaux d’étude de Xerox à Palo Alto et à la façon dont Apple a su convaincre cette première entreprise de partager l’idée en 1979. La contribution de Chesbrough est en revanche remarquable en ce sens qu’elle est une invitation illustrée lancée aux entreprises, quel que soit leur domaine d’exercice, à ne plus être victimes des aléas de la R&D. Au contraire selon l’auteur, il s’avère possible par la concertation et la coopération de transformer ces aléas en opportunité et d’en optimiser ainsi les bénéfices.


9 Avril 2012