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Groupon peut-il encore surprendre ses investisseurs ?





Début avril 2012, la fiabilité du business model de Groupon est une nouvelle fois mise en question. Cette pure player spécialiste de l’achat groupé en ligne a annoncé fin mars 2012 une révision à la baisse de ses performances pour l’année précédente. Un flou avait déjà été jeté sur les performances réelles de l’entreprise au cours de l’été 2011 alors que son fondateur posait sur le papier sa volonté de privilégier la croissance des affaires à leur rentabilité. Un crédo pour le moins atypique.



Groupon peut-il encore surprendre ses investisseurs ?
L’entreprise Groupon sème le trouble parmi les investisseurs et les observateurs de l’actualité économique. Le 30 mars 2012 en effet, l’entreprise a déclaré avoir réévalué le montant de son chiffre d’affaire du quatrième trimestre de l’année 2011 en raison d’un problème comptable.
 
Le chiffre d’affaire de Groupon pour le dernier quart de l’année 2011 enregistre ainsi une diminution de 14,3 millions de dollars et s’élève désormais officiellement à 492,2 millions. La perte nette de l’entreprise a été réévaluée de 22,6 millions de dollars pour atteindre un niveau de 65,4 millions. Sur l’ensemble de l’année 2011, le chiffre d’affaire de Groupon est donc revu à la baisse et passe de 1,625 à 1,610 milliards de dollars tandis que la perte nette passe de 275,1 à 297,8 millions de dollars. Cette nouvelle contre-performance s’ajoute à la liste des détails qui contribuent faire de Groupon une entreprise pour le moins atypique.
 
Celle-ci a procédé à l’introduction en bourse d’une petite partie de son capital en novembre 2011. Peu avant, le fondateur de Groupon, Andrew Mason, expliquait dans une lettre aux actionnaires potentiels son projet d’investir « de  façon agressive » dans la croissance de son entreprise « sans considération pour les conséquences à court-terme ». Le ton est donné : Groupon veut se désolidariser de la logique de rentabilité immédiate et privilégier le développement de long terme. « Nous sommes inhabituel et nous entendons le rester » affirmait alors Andrew Mason.
 
Mais la réalité est-elle aussi simple que ce slogan ? Certes, le projet de Groupon n’a initialement pas refroidit les actionnaires qui se sont rués sur ses titres et ont permis à l’entreprise de lever 700 millions de dollars à l’occasion de son introduction en bourse. Néanmoins, les problèmes récurrents de gestion et de comptabilité rencontrés par Groupon ont toutes les chances d’être les symptômes d’une réalité plus complexe.
 
Tout d’abord, l’entreprise affiche une remarquable dépendance aux dépenses de marketing dans sa quête de croissance. Ces dépenses constituent en effet le pivot stratégique de Groupon pour gagner des utilisateurs. Or elles ont atteint un niveau exorbitant en 2010 avec un total de 208 millions de dollars pour le seul premier trimestre et 263 millions sur l’ensemble de l’année. Malgré l’importance de ces dépenses, seulement un tiers des 83 millions d’abonnés de Groupon a acheté des coupons d’achat à l’entreprise au cours du premier trimestre 2010. Consécutivement, l’entreprise a fait le choix de limiter ses dépenses en marketing dans la seconde moitié de l’année. Cela lui a permis de considérablement diminuer le montant de ses pertes opérationnelles au prix toutefois de moindre perspective croissance d’activité.
 
En ce premier trimestre 2012, Groupon semble avoir réagi en bonne gestionnaire mais elles n’en a pas toujours fait la démonstration. En effet, la Securities and Exchange Commission (SEC) – chargée de la régulation des activités boursières aux États-Unis – avait par exemple dû faire pression auprès de Groupon suite à son entrée en bourse pour qu’elle accepte de retrancher dans le calcul de son chiffre d’affaire la part du prix des bons d’achat revenant à ses partenaires commerçants. L’entreprise avait également été sommé d’accepter de comptabiliser ses dépenses en marketing alors même qu’elles sont la raison d’une part substantielle des pertes réalisées par cette start-up. Groupon a depuis fait mine de redresser la barre, mais sa réputation sulfureuse la précède toujours.
 
Mise face à certaines contradictions comptables, il semblerait que Groupon soit revenu sur son objectif de croissance tout azimut. En effet, les baisses de ses dépenses en marketing enregistrées sur la fin de l’année 2011 laissent penser qu’elle pourrait renouer avec une logique d’équilibre et de rentabilité. Début avril 2012 néanmoins, le titre de Groupon a chuté autour des 16,25 dollars après avoir atteint des sommets à une trentaine dollars l’action ; son niveau est ainsi bien en dessous de son cours d’introduction fixé à 20 dollars. Ironie boursière, le projet qu’Andrew Mason souhaitait inscrire dans une logique de long terme semble donc aujourd’hui avoir surtout fait le bonheur des spéculateurs. Mais l’entrepreneur n’a pas encore joué ses dernières cartes : Groupon a aujourd’hui atteint une taille critique et rien ne l’empêche de renouer avec une logique d’équilibre et de rentabilité. L’entreprise serait alors en position de pratiquer à grande échelle un business dont elle a précédemment prouvé la profitabilité. Aussi critiqué soit-il, le business model de Groupon n’est donc pas encore donné perdant.


12 Avril 2012