Faire évoluer l'actionnariat des PME grâce au private equity




La presse économique se fait souvent l’écho d’études vantant le dynamisme des PME américaines capables en quelques années, de devenir des leaders mondiaux. Les fondateurs de ces entreprises pleines d'avenir ont souvent, à un stade crucial du développement de leur projet, fait rentrer dans leur capital des actionnaires professionnels en vue de soutenir leur stratégie de croissance. Mais quelles sont les particularités du capital investissement?



Quelques généralités sur le private equity

La problématique de recherche de financements est présente à tous les stades de développement des PME, qui doivent être rigoureuses à la fois dans la recherche des investisseurs mais également dans les modalités de leur entrée, de leur collaboration et de leur sortie dans le capital de la société. Pour ce faire, ils doivent porter une attention toute particulière à la mise en place de protocoles d'investissements et de pactes d'associés.

Les actionnaires professionnels, "pro-actifs" dans leur relation avec les managers, peuvent alors intervenir à titre individuel, tels que les business angels, ou encore à travers des structures de capital-investissement qui, de plus en plus, n'hésitent plus à exercer leurs qualités de conseil en stratégie, dépassant ainsi le simple stade d'investisseur. Ils deviennent alors les accompagnateurs du périple entrepreneurial, avec le lot d'opportunités qu'il comporte, mais aussi avec les zones d'incertitude qu'il implique.

Des auteurs tels que Gompers et Lerner ont d'ailleurs fort bien montré les bénéfices de la présence d'une telle catégorie "d'actionnaires-interlocuteurs" au sein des PME innovantes, et plus particulièrement son impact sur la diffusion d'innovations de ruptures. Il n'en reste pas moins que le développement de leaders français dans les hautes technologies passera par une nécessaire évolution des mentalités des dirigeants de PME; Eux qui, parfois bien loin d'imaginer que la finance n'est pas forcément une activité spéculative, renoncent à faire évoluer leur actionnariat, craignant une perte d'autonomie décisionnelle ou des velléités de prise de contrôle. Mais le capital développement n'est rien d'autre qu'un relai de la croissance: il consiste, pour les fonds d'investissement, à apporter à l'entreprise des capitaux propres en échange d'une participation, la plupart du temps minoritaire.

Da Rin et Penas, au sujet des entreprises innovantes, ont constaté que les actionnaires professionnels apportaient régulièrement une aide cruciale aux chefs d’entreprises dans la conduite stratégique de leurs projets de R&D. Ainsi, un impact positif de cette collaboration sur le dépôt de brevets et la valorisation de l'actif immatériel des entreprises dans lesquelles ils interviennent est observé aux Etats-Unis depuis une vingtaine d'années. Les Tribunaux, effectivement, sont souvent confrontés à la mise en liquidation judiciaire de sociétés ayant développés des brevets mais ne disposant pas des moyens financiers suffisants ni des produits adéquats.

Le private equity: quelles particularités?

(i) Une capacité à gérer l'asymétrie d'information

L'Etat français a initié la création d'incubateurs dans lesquels les chefs d'entreprises de jeunes pousses disposent de moyens pour finaliser la phase de recherche de leurs projets. Le financement de la phase de développement devient souvent critique compte tenu du désengagement progressif des institutions publiques après la phase d'amorçage, notamment d’Oséo, et de la réticence croissante des banques à financer ces PME. Cette situation s'explique aisément par une asymétrie d'information entre les entreprises innovantes et les structures assurant leur financement. En effet, une entreprise innovante est davantage en mesure d’évaluer la rentabilité potentielle d’un projet que les interlocuteurs publics ou privés traditionnels qu'elle démarche pour obtenir des financements, soit par des prêts ou par des augmentations de capital. Les investisseurs potentiels doivent, en effet, être en mesure de décrypter le plan de développement du chef d'entreprise en alliant des connaissances à la fois techniques et sectorielles. Or la plupart des sociétés de capital investissement disposent de domaines de compétences précis.

(ii) Le retrait progressif des banques

De surcroît, les banques se désengagent du segment des PME, mais aussi de leurs activités de private equity. "Cette tendance est soutenue par l’évolution de la réglementation. (...) Sur le plan international, les futures normes Bâle 3 et Solvabilité 2 – qui concernent de fait au premier chef les banques et assureurs européens – pénalisent fortement, en terme de fonds propres, les engagements des institutions financières dans le non-coté", précisait récemment Antoine Landrot sur L'Agefi. Les entreprises sont alors de plus en plus nombreuses à se tourner vers les fonds indépendants. Cette catégorie d'actionnaires se place sur des durées économiques précises (3, 5 ou 7 ans par exemple), qui correspondent à des périodes critiques dans le développement d'une entreprise. Amorçage, phase de décollage, développement : à chaque étape de croissance de l’entreprise, l’opérateur de capital-investissement a vocation à changer.

(iii) Quelle philosophie d'investissement?

Ce sont donc les pure players du capital investissement qui confisquent le flambeau. Une tendance dont se félicite Christophe Ramoisy, associé chez Pragma Capital: "l'avantage de faire appel aux pure players tels que Pragma réside dans le suivi personnalisé de chaque participation. Certes, tout le monde s'accorde pour dire que le business plan constitue un axe directeur de la relation entre l'entreprise et ses investisseurs. Mais dans le métier, nous avons une approche stratégique du développement de l'entreprise, là où de gros investisseurs moins spécialisés se contenteraient d'une approche purement comptable." Cette société de gestion indépendante, spécialisée dans le financement des entreprises moyennes, revendique en effet une posture particulière: Pragma Capital fait de la relation avec le management la condition première du succès de ses opérations. Un climat relationnel que Christophe Ramoisy justifie par le fait que "le lien de confiance mutuelle entre un dirigeant et ses actionnaires n'est pas inné, il se bâtit. C'est pourquoi nous attachons une attention prioritaire à ce que nos visions respectives du projet d'entreprise convergent. Chez Pragma Capital, on se garde de toute forme d'ingérence dans la gouvernance quotidienne. Nous respectons l'autonomie de gestion des managers, notre valeur ajoutée réside plutôt dans le conseil, dans l'apport d'une perspective stratégique de long terme qui est le fruit de notre expérience". Et si la création de valeur est partagée, les responsabilités le sont tout autant. "Apporter des fonds propres à une entreprise, c'est s'engager structurellement à ses côtés. En devenant partie prenante de la vie de l'entreprise, l'actionnaire professionnel a la responsabilité morale d'apporter son soutien et une expertise avisée au management", conclut Christophe Ramoisy.

(iv) L'investissement responsable, un enjeu sociétal... et commercial.

Les acteurs du private equity s'engagent aujourd'hui dans la durée, mais aussi en faveur d'un investissement "responsable". Tandis que Pragma Capital a instauré une politique ESG globale, d'autres fonds comme Alter Equity, par exemple, s'appuient "sur l'idée que la recherche de rentabilité est parfaitement compatible avec une pratique éthique des affaires". C'est pourquoi la société s'adresse essentiellement aux entreprises dont l'activité rejoint le domaine du développement durable, ou s'étant engagées dans une dynamique de progrès en matière de RSE. Dans la même veine, KKR a mis en place un programme dédié à la performance environnementale des sociétés dans lesquelles elle investit, grâce à l'utilisation d'outils analytiques. Citizen Capital mise pour sa part sur le social, en valorisant les entreprises implantées en zones défavorisées, ou créées par des dirigeants au parcours "atypique" (autodidactes par exemple). Mais les chefs d'entreprise, dans tout ça? Qu'ont-ils à y gagner? François-Henri Pinault, PDG de PPR, y répond en ces termes: l'engagement sociétal "est une exigence en termes d'éthique et de responsabilité (...). Mais c'est aussi un enjeu commercial majeur. Il faut anticiper les attentes des consommateurs et se porter aux avant-postes de nouveaux marchés qui se créent".

Autant de raisons valables de s'intéresser au capital-investissement, puisqu'au-delà de représenter une alternative aux modes de financement traditionnels, il constitue peut-être une façon plus rassurante, pour le dirigeant, de considérer l'actionnariat.


11 Octobre 2011