Entreprises & Décideurs
Corporate management: information pour les dirigeants

Entreprises & Décideurs

Accueil
Envoyer à un ami
Version imprimable

Faillite d’entreprise : dans quels cas le dirigeant paie personnellement ?





Beaucoup de chefs d’entreprise pensent encore que la structure juridique d'une SARL protège intégralement leur patrimoine personnel en cas de faillite. Un arrêt récent de la Cour de cassation rappelle pourtant que cette protection n’est ni automatique ni absolue. Dès lors qu’une faute de gestion est caractérisée, le dirigeant peut être condamné à payer sur ses biens propres, indépendamment de sa situation financière.



Faillite d'entreprise : une protection juridique du dirigeant loin d’être automatique

La Cour de cassation a rendu une décision particulièrement suivie par les chefs d’entreprise et leurs conseils. Elle confirme qu’en cas de liquidation judiciaire, le dirigeant peut voir sa responsabilité personnelle engagée et son patrimoine exposé, lorsque ses fautes de gestion ont contribué à l’insuffisance d’actif. Pour le dirigeant, cet arrêt clarifie les règles du jeu et rappelle les lignes rouges à ne pas franchir.

Le principe de séparation entre le patrimoine de l’entreprise et celui du dirigeant reste au cœur du droit des sociétés. Toutefois, cette séparation connaît des limites précises, que la jurisprudence rappelle régulièrement. En cas de liquidation judiciaire, le tribunal peut condamner le dirigeant à supporter tout ou partie de l’insuffisance d’actif si une faute de gestion est établie. Cette possibilité est expressément prévue par l’article L.651-2 du Code de commerce.

Dans son arrêt du 1er octobre 2025, la Cour de cassation insiste sur un point fondamental pour tout dirigeant. Le juge n’a pas à tenir compte du patrimoine personnel ou des revenus du dirigeant pour fixer le montant de la condamnation. Seuls comptent la gravité des fautes commises et leur contribution à l’insuffisance d’actif. Autrement dit, le niveau de vie ou l’endettement personnel du dirigeant ne constituent pas un facteur de modulation.

Cette position n’est pas théorique. Dans une affaire récente, une dirigeante a été condamnée à combler un passif de 1.438.039,40 euros, correspondant à l’insuffisance d’actif de la société liquidée. Le montant retenu par le juge n’a fait l’objet d’aucun ajustement en fonction de sa situation patrimoniale.

Dirigeant fautif : ce que recouvre réellement la notion de faute de gestion

Pour les chefs d’entreprise, la notion de faute de gestion demeure souvent floue. La jurisprudence adopte volontairement une approche large, afin de s’adapter à la diversité des situations. Il ne s’agit pas de sanctionner un dirigeant pour un simple échec économique, mais d’analyser son comportement dans la conduite des affaires. Une faute peut résulter d’une action, mais aussi d’une abstention prolongée.

Les juridictions rappellent ainsi que la simple augmentation des dettes sociales ne suffit pas à engager la responsabilité du dirigeant. En revanche, la poursuite d’une activité déficitaire sans perspective crédible de redressement, le non-respect des obligations comptables ou l’absence de déclaration de cessation des paiements peuvent constituer des fautes caractérisées. Encore faut-il démontrer que ces manquements ont contribué à l’insuffisance d’actif, selon les analyses juridiques publiées en 2025 par la presse spécialisée.

L’arrêt du 1er octobre 2025 confirme également que la condamnation du dirigeant poursuit un objectif réparateur. La Cour de cassation précise que le montant mis à la charge du dirigeant vise à réparer le préjudice subi par les créanciers, et non à sanctionner financièrement la personne du dirigeant. C’est pourquoi le juge n’a pas à apprécier la capacité financière du dirigeant au moment de la décision.

Pour les chefs d’entreprise, ce raisonnement a une conséquence directe. Il est illusoire d’espérer une réduction de la condamnation en invoquant un patrimoine personnel limité. La défense doit porter sur l’absence de faute, sur son caractère non imputable, ou sur l’absence de lien de causalité avec l’insuffisance d’actif.

​Faillite d'entreprise : quels enseignements pratiques à retenir pour les patrons ?

Cette décision s’inscrit dans une évolution jurisprudentielle cohérente. Quelques mois auparavant, le 12 juin 2025, la Cour de cassation avait déjà jugé que certaines sanctions personnelles, comme la faillite personnelle ou l’interdiction de gérer, peuvent être prononcées même en l’absence de preuve d’une insuffisance d’actif. Cette approche confirme que la responsabilité du dirigeant repose avant tout sur son comportement.

Pour les chefs d’entreprise, le message est clair. La protection du patrimoine personnel passe d’abord par une gestion rigoureuse et documentée. La capacité à démontrer que les décisions ont été prises dans l’intérêt social, avec une information complète et une anticipation des difficultés, devient un enjeu central. À l’inverse, l’inaction face à une dégradation financière prolongée expose directement le dirigeant à une remise en cause personnelle.

Enfin, cet arrêt rappelle que la frontière entre patrimoine professionnel et patrimoine personnel est conditionnelle. Elle tient tant que le dirigeant respecte ses obligations légales et agit avec prudence. Dès lors qu’une faute de gestion est caractérisée, cette frontière peut être franchie sans ménagement par le juge. Pour les chefs d’entreprise, la faillite n’est donc plus seulement un échec économique. Elle peut devenir un risque patrimonial majeur, pleinement assumé par la Cour de cassation dans sa jurisprudence la plus récente.


22 Décembre 2025