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Pragma Capital: un investissement financier... et relationnel





Il faut remettre l’homme au cœur de l’entreprise et libérer le management de l’emprise exclusive des chiffres. Depuis l’éclatement de la crise financière de 2008, cette proposition prend une ampleur croissante. Or, contrairement à une idée reçue, elle est partagée par de nombreux acteurs de la finance, à commencer par les sociétés de private equity qui, de longue date, connaissent et cultivent la dimension humaine de l’investissement. Rencontre avec Gilles Gramat, président du conseil de Pragma Capital, une société de gestion qui envisage l’investissement comme « la naissance d’une relation durable avec les entrepreneurs ».



Gilles Gramat, président du conseil de Pragma Capital
Gilles Gramat, président du conseil de Pragma Capital
« Beaucoup accusent le management de trop sacrifier le facteur humain au profit des chiffres ! », observait le quotidien économique Les Echos quelques mois après l’éclatement de la crise économique et financière de 2008 (1). En filigrane, c’est bien sûr le monde de la finance qui est visé. On l’accuse notamment d’avoir favorisé le développement d’une « idéologie gestionnaire » conduisant à évaluer les entreprises à l’aune de critères exclusivement comptables, sans prendre en compte leur dimension humaine.
 
Or, si tout n’est pas faux dans ces critiques, il faut se garder de l’adresser à l’ensemble des acteurs de la finance. Président du conseil de surveillance de Pragma Capital, une société de gestion  spécialisée dans le financement des entreprises françaises de taille moyenne, Gilles Gramat entend défendre la spécificité de son activité et de sa société. « Lorsque j’entends les critiques adressées à ce que l’on appelle ‘le monde de la finance’, je ne puis m'empêcher d'expliquer combien les pratiques du capital-investissement  sont aux antipodes de celles-ci. »
 
Ainsi du fameux court-termisme financier. « Pragma Capital travaille au contraire sur le long terme aussi bien avec les investisseurs, qui s’engagent à nos côtés sur une durée de 10 ans minimum, qu’avec les sociétés dans lesquelles nous prenons des participations. Et comme nous avons pour politique d’investir dans des sociétés non-cotées, notre rythme n’est pas celui des cotations boursières quotidiennes mais celui de la croissance des entreprises. Nous sommes ainsi au cœur même de l’économie réelle. » Une caractéristique qui, selon Gilles Gramat, prémunit aussi contre l’obsession des chiffres. « Au fil de vingt-cinq ans de carrière, explique-il, mes associés et moi-même avons piloté plus de 80 opérations capitalistiques de tous types au service d’entreprises de secteurs extrêmement variés. Nous avons acquis une certitude : notre cœur de métier consiste à accompagner le management de nos participations, qui est la clé de voûte de notre performance, et en particulier pour les entreprises de taille moyenne. » 

Pragma Capital: un investissement financier... et relationnel
Si bien que les associés de Pragma Capital se gardent d’évaluer les entreprises à l’aide de critères exclusivement financiers et comptables. « Ceux-ci ont bien sûr leur place. Mais nous ne nous en tenons pas là car les chiffres offrent une photographie trop statique. Ce qui nous intéresse c’est le potentiel de développement, le devenir de l’entreprise et la façon dont nous pouvons y contribuer. Or, au-delà de la configuration de son marché actuel et futur, le potentiel d’une entreprise dépend de ses hommes », affirme Gilles Gramat.  Il approuve et cite volontiers Georges Doriot, l’inventeur du capital-risque, qui estimait qu’“une idée moyenne dans les mains d’un homme capable a beaucoup plus de valeur qu’une idée géniale entre les mains d’un homme doté de capacités moyennes”. Mais là aussi, sa vision est dynamique : « Notre rôle consiste à donner aux dirigeants les plus talentueux les moyens de grandir. »
 
Mais comment repèrent-ils ces entrepreneurs prometteurs ? « Nous regardons bien sûr leurs résultats et leur parcours, mais sans nous enfermer pour autant dans des grilles d’analyse rigides. Car nous avons appris que la réussite d’une entreprise repose aussi sur des facteurs non objectivables, non mesurables, non calculables. Contrairement à ce que l’on croit trop souvent, la dimension humaine figure au cœur de notre métier. Les registres affectifs, émotionnels et imaginaires ne son donc pas exclus. » Et à ceux qui pourraient considérer que cette façon de faire est irrationnelle, Gilles Gramat répond par avance : « L’entreprise étant avant tout une organisation humaine, c’est, au contraire, la négation de la dimension humaine qui la traverse et l’anime, qui serait irrationnelle. »
 
Preuve que son raisonnement n’est pas unanimement admis par la profession, le président du conseil de surveillance de Pragma Capital prend soin de l’étayer avec des arguments tirés des plus récentes recherches scientifiques. « Les sciences économiques, la finance et le management se sont trop longtemps référés à un homo œconomicus dont le comportement serait dicté par une rationalité pure. Or, comme le démontrent les recherches les plus récentes en psychologie sociale et comportementale, cet individu-là n’existe pas. Les hommes comme les organisations ne peuvent se résumer à un froid calcul d’intérêts. Dans la réussite d’une entreprise, il faut aussi compter avec des éléments plus ineffables mais essentiels comme la passion, la vision, etc. »
 
Autre élément crucial dans l’investissement : la confiance. « Pour moi comme pour mes associé de Pragma Capital, la décision d’investissement repose aussi et avant tout sur la confiance que nous plaçons dans les hommes qui dirigent les projets », souligne Gilles Gramat. Une confiance qui doit d’ailleurs être réciproque car un entrepreneur n’ayant pas confiance dans les gérants d’un fonds d’investissement sera réticent à le faire entrer dans son capital. Une attitude des plus compréhensibles puisque les uns et les autres devront œuvrer ensemble au développement de la société. « Plus que sur une simple transaction, un investissement doit déboucher sur une relation durable entre l’entrepreneur et l’investisseur. Il faut donc que l’entrepreneur sente que, nous aussi, on aime sa boîte et que l’on veut la voir grandir et prospérer », conclut Gilles Gramat. Une dernière observation qui démontre que, dans le private equity, l’investissement financier va nécessairement de pair avec un certain investissement humain.
 
(1) Les Échos, 08/10/09


24 Août 2012