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Crise, fiscalité et web 2.0 : le cocktail explosif des entrepreneurs pigeons





Face aux velléités de réforme du gouvernement, de nombreux chefs d’entreprises français se sont mobilisés pour faire valoir leur droit d’entreprendre. Irrités par la perspective de voir de nouvelles contraintes peser sur leurs activités et portés par un sentiment d’abandon, ils se sont affublés avec ironie du nom de « pigeons ». Leur message est clair : fin 2012 le gouvernement s’apprête à faire des petits entrepreneurs ses têtes de Turc en les privant des incitations fiscales qui leur permettent d’exercer leurs activités déjà fragilisées par la crise. Surgissant à la faveur d’une exaspération profonde, la contestation des entrepreneurs français a surpris tant sur la forme que sur le fond.



Parmi ses promesses de campagne, François Hollande faisait figurer en bonne place la revalorisation de la fiscalité du capital pour la ramener à un niveau d’équilibre avec celle du travail. Les prémisses de l’exécetution de cette promesse sont apparues en septembre 2012 avec l’annonce du projet de loi de finances de l’année 2013. Très rapidement, les petits entrepreneurs de France ont fait part de leurs inquiétudes à l’égard de ce texte et de leur désapprobation avec une grande virulence et selon des modes de communications pour le moins inattendus.
 
 
Crise, fiscalité et web 2.0 : le cocktail explosif des entrepreneurs pigeons

Rassemblés sur l’étiquette « Pigeons », les patrons de start-ups et capital-risqueurs français ont fait savoir les raisons de leur dénonciation du projet de loi de finances. « Cette mesure conduit, par exemple, un entrepreneur cédant son entreprise après 10 ans de labeur, d'incertitudes, de hauts et de bas, de semaines de 70 heures... à payer 45 % (taux marginal de l'IRPP), + 15,5 % (CSG/CRDS) soit plus de 60 % sur la plus-value de cession », peut-on lire sur les pages du site DéfensePigeons.org qui est devenu le centre de diffusion des messages du mouvement.
 
À l’origine de cet élan de contestation se trouve un commentaire de Jean-David Chamboredon, DG du fonds d’investissement ISAI pour les entreteneurs du web. Publiée sous forme d’article le 30 septembre dans les colonnes de la Tribune, cette intervention a catalysé les appréhensions et l’exaspération de petits entrepreneurs français qui l’ont massivement relayé sur les médias sociaux. En quelques tweets le mouvement des pigeons est parvenu à attirer l’attention de quelques milliers d’internautes solidaires et s’est ainsi structuré. Sur Facebook, le mouvement réalise une veille médiatique quotidienne sur l’avancement des débats engagés avec le gouvernement quant au projet de loi des finances.
 
Mettant admirablement à profit le potentiel des outils offert par le web pour organiser sa contestation, le mouvement des entrepreneurs pigeons apparaît aujourd’hui comme une l’illustration de la viabilité d’un nouveau mode de revendication. Efficacement mobilisé sur la toile, ceux-ci revendiquent leur apolitisme et portent un message clair : sur le principe, l’ambition du gouvernement leur semble justifiée et réduire les écarts de fiscalité doit permettre d’éliminer certains excès tout en continuant de rémunérer significativement la prise de risque. Mais supprimer complètement cet écart stériliserait tout bonnement la dynamique entrepreneuriale française à un moment où le pays en a le plus besoin. Les PME demeurent en effet en France à l’origine de 80 % des créations d’emplois annuelles. Les pigeons posent donc ainsi une question simple : qui investira dans un projet entrepreneurial si les perspectives de gains ouvertes par de tels projets sont ramenées au niveau de celles offertes par le simple salariat ?
 
Ainsi le mouvement des entrepreneurs-pigeons a-t-il vraisemblablement surpris le gouvernement. Philippe Aghion, conseiller économique auprès de François Hollande pendant la campagne présidentielle, avançait dans les colonnes du Nouvel Observateur du 4 octobre 2012 que « le gouvernement [a] fait le maximum pour atteindre cet objectif des 3 % [de déficit public], mais sans nécessairement penser aux conséquences de leurs mesures fiscales sur l'emploi et la croissance ». Un point sur lequel il est désormais difficile de ne pas méditer.


10 Octobre 2012