L’institution monétaire se fait un peu plus pessimiste dans ses dernières prévisions de croissance pour la France. La progression du PIB devrait ainsi être de 1,3% cette année, et de 1,4% pour l’année prochaine : c’est 0,1 point de moins par rapport aux dernières estimations remontant au mois de mars. Cette projection intervient à un moment charnière pour le gouvernement, alors que le Premier ministre Édouard Philippe va prononcer ce mercredi 12 juin un discours de politique générale qui marquera l’acte II du quinquennat d’Emmanuel Macron. L’exécutif aurait pu compter sur le gain de pouvoir d’achat pour valider sa politique.
Ce gain est réel, puisqu’il s’établira à 2,1% en 2019, grâce notamment aux mesures mises sur la table pour répondre aux revendications des « gilets jaunes ». Selon la Banque de France, le pouvoir d’achat devrait se situer ensuite à 1,2% pour 2020 et 1% en 2021. Or, ces gains ne seront pas consommés immédiatement, ils le sont plus lentement : l’apport de la demande des ménages à la richesse produite sera de 1,3 point cette année, puis de 1,6 point en 2020 et 1,5 point en 2021. La consommation, traditionnel pilier de l’économie tricolore, soutiendra donc davantage la croissance dans les prochaines années.
Les Français ont préféré privilégier leur épargne plutôt que la consommation, relèvent les économistes : le taux d’épargne pourrait s’établir au-delà des 15%. Si la Banque de France a révisé sa prévision de croissance à la baisse, c’est en raison notamment d’un recul de la demande mondiale envers l’Hexagone. L’environnement mondial, que ce soit en Europe ou en dehors de la zone euro, est moins favorable.
Une particularité française ! Pour Pierre Gattaz, l’impôt sur la fortune (ISF) est une taxe qui distingue la France des autres pays. Cet impôt, qui a rapporté 4,4 milliards d’euros à l’Etat en 2013, freinerait même la croissance des entreprises (PME et ETI) dans l’Hexagone.
« Si on est le dernier pays d’Europe ou du monde à avoir l’ISF, il faut le supprimer » a ainsi déclaré le patron des patrons, au cours de la Conférence annuelle des entrepreneurs. Une édition consacrée cette année au faible nombre d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) en France. Pierre Gattaz s’est ainsi interrogé sur le fait que la France soit le seul pays à pratiquer une telle taxe.
« Si on ne le supprime pas, ça ne marchera pas, tout simplement parce que les autres pays en concurrence ne le font pas. Si tout le monde le faisait, à la limite on dirait très bien, on est dans la norme » a ajouté le patron du Medef, ce qui lui vaut aujourd’hui les critiques de la majorité au pouvoir, et du gouvernement.
Pierre Gattaz a ainsi mis le défaut de croissance de l’Hexagone, en partie sur le dos de cet impôt. Sous les applaudissement de son auditoire, le président du Medef a précisé que « à un moment, il faut dire l’ISF c’est dramatique pour le pays, ça détruit de l’emploi, ça détruit de la croissance. Il faut le supprimer, point. »
L’ISF, responsable de tous nos maux ? L’équipe au pouvoir, à commencer par Emmanuel Macron, le ministre de l’Economie, ne croit pas à cette théorie et accuse aujourd’hui le patron des patrons d’avoir fait de la provocation facile.
La croissance est nulle, le chômage augmente mais l’économie française recommence à créer des emplois. Bien sûr, cela reste fragile. D’après les chiffres publiés mercredi 10 septembre par l’Insee, le secteur marchand a ainsi créé 8 300 postes au cours du second trimestre de l’année, soit une hausse légère de 0,1 %.
Si l’on se penche sur ce secteur, force est de constater que les choses s’améliorent quelque peu. Ainsi depuis le début de l’année, le nombre de poste recule, avec 11 800 destructions d’emplois. Au second trimestre, c’est mieux. Le secteur tertiaire a tiré la création d’emploi vers le haut, tiré lui-même par l’intérim qui a compté 14 600 postes de plus.
La France compte actuellement près de 16 millions d’emplois dans le secteur marchand. Cependant, pour espérer résorber le chômage, il faudrait faire beaucoup plus. Il faudrait très précisément créer 100 000 emplois nouveaux par an, pour contrer l’arrivée chaque année de 100 000 nouveaux actifs sur le marché du travail.
Grâce aux baisses d’impôts décidées par le gouvernement, ce sont pas moins de 4,2 millions de ménages qui ont bénéficié des réductions de 350 ou 700 euros. Au départ, 3,7 millions de foyers fiscaux étaient concernés. Ajoutez à cela une augmentation des impôts pour 37 % des contribuables au lieu des 44 % de l’an dernier, et vous obtenez le résultat suivant. Seulement 48,5 % des foyers fiscaux ont payé cette année l’impôt sur le revenu.
De quoi faire baisse considérablement les recettes fiscales liées à cet impôt. Dix milliards d’euros ne rentreront pas dans les caisses de l’Etat. De quoi compliquer considérablement l’équation budgétaire pour le gouvernement, déjà handicapé par une croissance atone et une consommation des ménages qui ne repart pas.
Bien entendu, il ne faut pas faire reposer ce manque à gagner uniquement sur les baisses d’impôts. En effet, d’après les informations communiquées par le gouvernement, ces ristournes ne devraient coûter que 1,25 milliard d’euros à l’Etat. La principale cause est plus généralement le rendement plus faible de l’impôt, dans tous les domaines. Un rendement plus faible qui trouve sa source dans le manque de dynamisme des revenus des Français, pas étonnant avec la crise. Mais suffisant pour biaiser le calcul dès le départ…
C’est la seconde fois que l’agence de notation Moody’s abaisse ses prévisions de croissance pour la France, en l’espace d’un mois. Début août, elle avait estimé la croissance de la France à 0,6 % pour 2014, alors que le gouvernement s’évertuait à croire en une croissance de 1 % pour cette année. Lundi 18 août, Moody’s abaisse encore ses résultats et envisage un très petit 0,5 % pour 2014.
Un objectif deux fois inférieur à celui martelé par le gouvernement, qui va devoir se faire une raison. Le 1 % de croissance n’est pas tenable, même pas envisageable à l’heure actuelle. Ce qui risque de poser quelques problèmes financiers, puisque le budget de la France est réalisé en fonction de la croissance du pays…
Et pour 2015, c’est encore pire. Au début du mois, Moody’s envisageait une croissance de 1,3 % pour l’année prochaine, elle corrige désormais cette prévision à 0,9 %. On est encore loin de l’année 2015, d’un point de vue économique, et arriver déjà à une telle estimation devrait effrayer le gouvernement et nombre d’analystes.
Ne serait-ce que du point de vue du déficit public. Car l’absence de croissance aura un effet direct sur ce déficit. Bruxelles avait demandé à la France de réduire son déficit à 3 % pour 2015. Avec de tels résultats, il est évident que le déficit de l’Hexagone sera supérieur à la période donnée. Alors que la France a déjà obtenu un délai de deux ans pour ce résultat, elle va sans doute devoir demander un ultime délai. La rentrée sera difficile…