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Oberthur Fiduciaire, Le Mittelstand français





La France regarde avec envie les beaux succès du Mittelstand allemand, ces sociétés de taille intermédiaire qui font la force économique et la réputation du pays sur les marchés internationaux. Oberthur Fiduciaire, l’un des premiers imprimeurs de billets de banque au monde, prouve que la France aussi compte des entreprises capables de rivaliser avec leurs cousines d’Outre-Rhin.



Fondée en 1842, l'entreprise Oberthur Fiduciaire imprime 5 milliards de billets de banque par an.
Fondée en 1842, l'entreprise Oberthur Fiduciaire imprime 5 milliards de billets de banque par an.

Une entreprise familiale de taille intermédiaire

Le Mittelstand allemand qui fait tant rêver la France désigne en premier lieu une nature d’entreprises : celles de taille moyenne, qui correspondraient plutôt en France aux ETI, entreprises de taille intermédiaire, qui comptent entre 250 et 5000 salariés. Oberthur Fiduciaire, avec presque 1000 salariés, appartient à cette catégorie. Spécialisée dans la conception et l’impression de billets de banque et de documents sécurisés (chèques-cadeaux, timbres…), l’entreprise partage une autre caractéristique forte avec ce qui définit le Mittelstand : la gestion familiale.

En effet, comme le rappelle Isabelle Bourgeois dans un article consacré à ce sujet, les entreprises familiales « sont au cœur du Mittelstand » (1). Or « la caractéristique première de ce mode de gouvernance est son orientation sur le long terme » (2), écrit-elle encore, soulignant là l’un de leurs principaux facteurs clés de succès. Cette orientation est sans conteste celle d’Oberthur Fiduciaire, gérée depuis trente ans par la famille Savare. C’est en 1984 que Jean-Pierre Savare rachète l’imprimerie Oberthur, alors en pleine crise, après des années de beaux succès dans l’impression classique puis fiduciaire (billets de la Banque de France).

Mais si les résultats ne sont plus au rendez-vous, les savoir-faire sont bien là, et Jean-Pierre Savare mise sur l’impression de sécurité pour redresser l’entreprise. Avec succès : le chiffre d’affaires décolle et elle devient l’un des acteurs majeurs de ce secteur. En 2008, c’est son fils, Thomas Savare, qui prend la direction de l’entreprise, avec cette même volonté d’inscrire le développement d’Oberthur Fiduciaire dans le long terme. Cette même année, il décide d’extraire l’entreprise du marché boursier principalement pour cette raison : pour « pouvoir poursuivre méthodiquement et sereinement des objectifs stratégiques à moyen et long terme », loin des « excès de financiarisation de l’économie », explique-t-il.

Et comme les entreprises du Mittelstand, Oberthur Fiduciaire reste ancrée à sa terre : son principal site de production est toujours situé à Chantepie, près de Rennes, là où est née l’imprimerie il y a plus de 150 ans.  

L’innovation dans l’ADN

Dans la présentation de son rapport sur le sujet (3), le FSI expliquait ainsi le succès des entreprises du Mittelstand : « la plupart se positionnent sur des marchés de niche et consolident leur avantage concurrentiel à l’aide de l’innovation incrémentale facilitée par un haut niveau de savoir-faire technique ». Une culture de l’innovation et de l’excellence solidement ancrée donc, que l’on retrouve également chez Oberthur Fiduciaire.

« La nécessité d’innover est littéralement inscrite dans nos gênes », affirme ainsi Thomas Savare. Un billet de banque est en effet un concentré de technologies, qui doivent garantir son très haut niveau de sécurité et sa résistance à la contrefaçon. Oberthur Fiduciaire, qui a fait en 2011 le choix de céder son activité de cartes à puces pour s’investir pleinement dans le secteur fiduciaire, a donc une politique active de recherche et développement. Et elle est à la tête de nombreux brevets à haute valeur ajoutée (patchs à effet d’optique, vernis de protection…). « Le succès passe par une constante quête d’excellence et une volonté permanente d’innover pour répondre aux légitimes exigences de nos clients », justifie Thomas Savare. Cette culture d’entreprise, commune avec celle du Mittelstand, n’est pas étrangère à sa réussite. « Plus l’alignement entre culture d’entreprise et stratégie d’innovation est fort, plus la performance économique de l’entreprise est garantie à long terme » (4), explique un analyste du cabinet Booz & Company, interrogé par l’Usine Nouvelle.

Une entreprise tournée vers l’international

Cette posture explique aussi comment ces entreprises maintiennent leur excellence (et donc leur leadership) sur leurs domaines d’activité, sur les marchés nationaux mais surtout internationaux. Car, culturellement, les sociétés du Mittelstand sont en outre très tournées vers l’export. Elles contribuent pour beaucoup à la bonne santé de la balance commerciale allemande (qui affiche un excédent de 198.9 milliards d’euros, quand la France fait face à un déficit de 61.2 milliards d’euros). On compte d’ailleurs en Allemagne environ 1300 « champions cachés », ces entreprises de taille intermédiaire qui occupent l’une des trois premières places de leur marché mondial. Ils sont beaucoup moins nombreux en France… mais Oberthur Fiduciaire en a tous les attributs.

Elle aussi, très orientée vers l’international, l’entreprise imprime les billets de 70 pays, et fait partie du top 3 mondial des imprimeurs de sécurité. « Pour exister dans la mondialisation, nous faisons du haut de gamme, nous proposons des solutions sur mesure », détaille Thomas Savare. Un positionnement de niche axé sur l’excellence qui lui réussit bien : Oberthur Fiduciaire est une marque forte reconnue pour la qualité de ses créations, qui impliquent la délicate tâche de « saisir, comprendre et valoriser l’identité du pays client ».

Entreprise stable, cohérente, orientée vers le long terme, l’innovation et l’international, Oberthur Fiduciaire est l’une de ces ETI françaises qui tient la comparaison avec les entreprises allemandes porteuses de croissance et de compétitivité. Les modèles efficaces et durables ne sont pas toujours à chercher hors de nos frontières…
 
(1)  « Entreprises familiales : un rôle clef outre-Rhin », in Regards sur l’économie allemande, 2007 : http://rea.revues.org/645
(2)   « Le Mittelstand, acteur clé de l’économie allemande », in Méridianes, 2011 : http://meridianes.org/2011/01/29/le-mittelstand-acteur-cle-de-leconomie-allemande/
(3)  « Pour un nouveau regard sur le Mittelstand », 2012 http://www.ladocumentationfrancaise.fr/catalogue/9782110091437/index.shtml
(4)  http://www.usinenouvelle.com/article/pourquoi-la-france-est-un-cancre-de-l-innovation.N212436


26 Septembre 2014