Les terroirs : terres de qualité
Dans un paysage économique de mobilité exacerbée, l’ancrage provincial est-il devenu une localisation pénalisante pour l’entreprise? De prime abord, on penserait que oui… Et pourtant, des « succès provinciaux » comme Lactalis, Michelin ou Bonduelle prouvent que l’appartenance territoriale continue de constituer un allié stratégique puissant… Si elle possède pour eux une valeur affective évidente, la province est également une source de création de valeur économique et symbolique.
Leader mondial de l’agro-alimentaire, l’entreprise familiale Lactalis est ancrée à Laval depuis 1933. Un ancrage provincial qui symbolise l’attachement du groupe au savoir-faire authentique institué par André Besnier lorsqu’il créa l’entreprise. C’est cette constante recherche de qualité et d’excellence, qui est défendue par le groupe encore aujourd’hui. Si le groupe est fier de son enracinement historique en Mayenne, il défend également les différents terroirs. Par le rachat d’usines porteuses d’un héritage de longue date, Lactalis a su préserver un attachement fort aux traditions. En effet, «on ne peut pas vouloir devenir le premier fromager mondial sans détenir un savoir-faire complet»(1). Une loyauté dès plus essentielle pour une entreprise qui connait bien son métier : la transformation du lait étant une activité historiquement rurale. Entre tradition et modernité, la filière laitière fait ainsi partie intégrante du patrimoine industriel, culinaire et culturel français. Des productions artisanales comme le banon, un petit fromage de chèvre issus de recettes anciennes des fermes des Alpes-de-Haute-Provence ou encore le rachat de la fromagerie Graindorge spécialisée dans le camembert AOP (appellation d’origine protégée), reflètent cette volonté du groupe de préserver ce terroir. En acquérant la société iséroise Les Fromageries de l’étoile en 2011, Lactalis était ainsi parvenu à se hisser au rang de premier acteur mondial des industries fromagères AOC. Un exemple significatif car en matière alimentaire, on ne peut transiger sur l’excellence et la qualité ! Dès lors, pour les assurer, quoi de plus logique pour une entreprise du secteur du lait que de préserver un ancrage en « terre laitière » ?
Cette fidélité, on la retrouve également chez le leader du pneumatique Michelin établit depuis 1889 à Clermont-Ferrand. N’étant à ses débuts qu’un commerce de véhicules agricoles, l’entreprise séculaire continue de puiser « dans ses propres racines terriennes et paysannes ». (2) La qualité chez Michelin passe alors par cette proximité que permet la province et c’est en cela que sa «localisation en Auvergne est reconnue comme un avantage significatif» comme le déclare Gérard Duhesme, directeur des sites clermontois. S’éloigner de ses racines fragmenterait ce savoir-faire séculaire. C’est pour cela que selon François Michelin, rester en Auvergne constitue « une force énorme ! ». Il ajoute d’ailleurs qu’« à Clermont-Ferrand, nous sommes près de la matière, de l’usine, des hommes, et ça sent le caoutchouc ! La conception française qui veut que tout soit à Paris est stupide (…) les idées (…) viennent du terrain, de la réalité. » (2)
Au-delà de la qualité, cet ancrage provincial donne à ces groupes mondiaux une image d’entreprise compétente et soucieuse de son environnement naturel, économique et humain.
L’histoire : un gage de confiance
« Les entreprises ont toutes besoin de retrouver du sens et une identité. (…). Et leurs clients sont de plus en plus sensibles à ce discours ». (2) Ainsi, communiquer sur ses valeurs et son identité devient indispensable. L’image de l’entreprise est dorénavant un atout distinctif vital puisque le savoir-faire n’est désormais plus vendeur sans savoir-être. Une entreprise qui a du sens est une entreprise qui inspire confiance.
Ainsi, la fidélité à sa région constitue pour l’entreprise la source « de son originalité, de sa force et de son bon sens » selon Alain Michelin, auteur de « Michelin, un siècle de secret ». (2) Valoriser son histoire et sa raison d’être, c’est le but de l’Aventure Michelin à Clermont-Ferrand. Parcourant l’évolution culturelle, technologique et humaine du groupe, ce musée met en lumière le lien indissociable entre l’entreprise et sa ville natale, ville qui lui a offert des conditions d’expansion favorables à bien moindre coût que dans le cas d’un ancrage parisien…
Patrimoine industriel et culturel sont également mis à l’honneur du côté de Laval où se dresse désormais sur le site historique de Lactalis le Lactopôle. Retraçant l’évolution des techniques de transformation du lait, c’est « le plus grand musée laitier au monde ! » racontant « l'évolution d'un métier traditionnel et rural qui est devenu au fil du temps une industrie puissante. » (4) A travers ce rétrospectif historique des métiers du lait, ce sont ses valeurs historiques que Lactalis met en lumière. Jouant ainsi de son ancrage local, Lactalis exploite stratégiquement toute la richesse symbolique du patrimoine laitier français. Rester enraciné en Mayenne, où l’agro-industrie est historiquement ancrée, fait sens pour Lactalis. L’atout provincial placé au cœur de son identité lui permet d’asseoir ses valeurs.
C’est alors que l’ancrage local constitue ce « supplément d’âme » fournissant à ces groupes «une plus grande cohérence entre leurs actions et leur identité propre » (3). Justifier d’une identité forte constitue un socle solide grâce auquel elles parviennent à imposer une image d’entités compétentes, chez elles comme à l’étranger.
Conquérir le monde depuis chez soi
Ainsi, contrairement à l’idée qu’un enracinement profond entrainerait une stagnation des entreprises, celui-ci permet dans des cas comme Bonduelle ou Lactalis d’exporter sereinement un savoir-faire unique là où ils sont implantés. Comment ces entreprises ancrées en province ont-elles réussit à s’imposer sur le marché mondial ?
Avec 58 sites industriels dans le monde, le cas Bonduelle confirme les propos de Christophe Saubiez, Chargé des entreprises familiales chez Deloitte, qui explique que la légitimité qu’une entreprise acquiert chez elle « constitue (…) un référentiel de départ, voire un tremplin pour partir à la conquête d'autres marchés ». (4) Ainsi, le modèle organisationnel de ces entreprises familiales leur assure une pérennité inédite, ce qui constitue un réel atout pour se lancer à la conquête de l’extérieur. En effet, il n’y aura pas de problème de succession ou de refonte totale de la culture d’entreprise puisque la succession au sein de celle-ci est assurée quoi qu’il arrive. L’ancienneté de ces entreprises, leurs valeurs fortes et leur caractère familial créent une stabilité de leur gouvernance qui leur permet de mieux relever les défis de la concurrence mondiale.
Ainsi, comme Lactalis en « terre laitière », quoi de plus logique pour le géant vert français qu’un ancrage agricole pour faire du légume? Enraciné à Villeneuve d’Ascq dans la banlieue Lilloise, cet insubmersible conquérant du marché mondial du légume, présent aujourd’hui dans plus de 100 pays, n’a lui non plus jamais oublié que « ce n’est pas parce qu’on est international qu’on n’a plus de racines ! » comme le déclare son PDG Christophe Bonduelle. (5)
La province, c’est donc un noyau dur sur lequel s’appuyer pour mieux impulser sa stratégie de croissance externe. Lactalis a pu ainsi acquérir des marques italiennes comme Galbani et Parmalat ou partir à la conquête de marché comme l’Inde en rachetant 100% des parts Tirumala Milk Products. Michelin opère également en ce sens : il rachetait en 2014 le brésilien Sascar afin « de développer son offre dans la gestion de flottes et d'accélérer la croissance de son activité poids lourds au Brésil. » (6) Le Brésil a également su inspirer Bonduelle qui a entamé une véritable conquête de l’Est en rachetant les entreprises russes Timashevsk et hongroise Nyiregyhaza. Des acquisitions stratégiques qui lui ont permis de garder le cap face à la crise et de « dégager de nouvelles synergies sur les marchés en forte croissance, où la rentabilité du groupe s'avère 4 fois supérieure à celle de l'Europe. »(7)
Ici donc, l’ancrage fait la force. La porte du marché mondial reste ainsi grande ouverte à d’autres entreprises que les startups. Ainsi, en façonnant leur identité à l’image de leurs provinces respectives, ces multinationales prouvent que l’on peut encore aujourd’hui conquérir le monde sans partir de chez soi… Loin d’être un frein à la croissance, l’ancrage apporte alors une stabilité identitaire stratégique et constitue, comme ici, un atout qualité-expertise-confiance des plus précieux pour ces entreprises à l’identité forte.
Dans un paysage économique de mobilité exacerbée, l’ancrage provincial est-il devenu une localisation pénalisante pour l’entreprise? De prime abord, on penserait que oui… Et pourtant, des « succès provinciaux » comme Lactalis, Michelin ou Bonduelle prouvent que l’appartenance territoriale continue de constituer un allié stratégique puissant… Si elle possède pour eux une valeur affective évidente, la province est également une source de création de valeur économique et symbolique.
Leader mondial de l’agro-alimentaire, l’entreprise familiale Lactalis est ancrée à Laval depuis 1933. Un ancrage provincial qui symbolise l’attachement du groupe au savoir-faire authentique institué par André Besnier lorsqu’il créa l’entreprise. C’est cette constante recherche de qualité et d’excellence, qui est défendue par le groupe encore aujourd’hui. Si le groupe est fier de son enracinement historique en Mayenne, il défend également les différents terroirs. Par le rachat d’usines porteuses d’un héritage de longue date, Lactalis a su préserver un attachement fort aux traditions. En effet, «on ne peut pas vouloir devenir le premier fromager mondial sans détenir un savoir-faire complet»(1). Une loyauté dès plus essentielle pour une entreprise qui connait bien son métier : la transformation du lait étant une activité historiquement rurale. Entre tradition et modernité, la filière laitière fait ainsi partie intégrante du patrimoine industriel, culinaire et culturel français. Des productions artisanales comme le banon, un petit fromage de chèvre issus de recettes anciennes des fermes des Alpes-de-Haute-Provence ou encore le rachat de la fromagerie Graindorge spécialisée dans le camembert AOP (appellation d’origine protégée), reflètent cette volonté du groupe de préserver ce terroir. En acquérant la société iséroise Les Fromageries de l’étoile en 2011, Lactalis était ainsi parvenu à se hisser au rang de premier acteur mondial des industries fromagères AOC. Un exemple significatif car en matière alimentaire, on ne peut transiger sur l’excellence et la qualité ! Dès lors, pour les assurer, quoi de plus logique pour une entreprise du secteur du lait que de préserver un ancrage en « terre laitière » ?
Cette fidélité, on la retrouve également chez le leader du pneumatique Michelin établit depuis 1889 à Clermont-Ferrand. N’étant à ses débuts qu’un commerce de véhicules agricoles, l’entreprise séculaire continue de puiser « dans ses propres racines terriennes et paysannes ». (2) La qualité chez Michelin passe alors par cette proximité que permet la province et c’est en cela que sa «localisation en Auvergne est reconnue comme un avantage significatif» comme le déclare Gérard Duhesme, directeur des sites clermontois. S’éloigner de ses racines fragmenterait ce savoir-faire séculaire. C’est pour cela que selon François Michelin, rester en Auvergne constitue « une force énorme ! ». Il ajoute d’ailleurs qu’« à Clermont-Ferrand, nous sommes près de la matière, de l’usine, des hommes, et ça sent le caoutchouc ! La conception française qui veut que tout soit à Paris est stupide (…) les idées (…) viennent du terrain, de la réalité. » (2)
Au-delà de la qualité, cet ancrage provincial donne à ces groupes mondiaux une image d’entreprise compétente et soucieuse de son environnement naturel, économique et humain.
L’histoire : un gage de confiance
« Les entreprises ont toutes besoin de retrouver du sens et une identité. (…). Et leurs clients sont de plus en plus sensibles à ce discours ». (2) Ainsi, communiquer sur ses valeurs et son identité devient indispensable. L’image de l’entreprise est dorénavant un atout distinctif vital puisque le savoir-faire n’est désormais plus vendeur sans savoir-être. Une entreprise qui a du sens est une entreprise qui inspire confiance.
Ainsi, la fidélité à sa région constitue pour l’entreprise la source « de son originalité, de sa force et de son bon sens » selon Alain Michelin, auteur de « Michelin, un siècle de secret ». (2) Valoriser son histoire et sa raison d’être, c’est le but de l’Aventure Michelin à Clermont-Ferrand. Parcourant l’évolution culturelle, technologique et humaine du groupe, ce musée met en lumière le lien indissociable entre l’entreprise et sa ville natale, ville qui lui a offert des conditions d’expansion favorables à bien moindre coût que dans le cas d’un ancrage parisien…
Patrimoine industriel et culturel sont également mis à l’honneur du côté de Laval où se dresse désormais sur le site historique de Lactalis le Lactopôle. Retraçant l’évolution des techniques de transformation du lait, c’est « le plus grand musée laitier au monde ! » racontant « l'évolution d'un métier traditionnel et rural qui est devenu au fil du temps une industrie puissante. » (4) A travers ce rétrospectif historique des métiers du lait, ce sont ses valeurs historiques que Lactalis met en lumière. Jouant ainsi de son ancrage local, Lactalis exploite stratégiquement toute la richesse symbolique du patrimoine laitier français. Rester enraciné en Mayenne, où l’agro-industrie est historiquement ancrée, fait sens pour Lactalis. L’atout provincial placé au cœur de son identité lui permet d’asseoir ses valeurs.
C’est alors que l’ancrage local constitue ce « supplément d’âme » fournissant à ces groupes «une plus grande cohérence entre leurs actions et leur identité propre » (3). Justifier d’une identité forte constitue un socle solide grâce auquel elles parviennent à imposer une image d’entités compétentes, chez elles comme à l’étranger.
Conquérir le monde depuis chez soi
Ainsi, contrairement à l’idée qu’un enracinement profond entrainerait une stagnation des entreprises, celui-ci permet dans des cas comme Bonduelle ou Lactalis d’exporter sereinement un savoir-faire unique là où ils sont implantés. Comment ces entreprises ancrées en province ont-elles réussit à s’imposer sur le marché mondial ?
Avec 58 sites industriels dans le monde, le cas Bonduelle confirme les propos de Christophe Saubiez, Chargé des entreprises familiales chez Deloitte, qui explique que la légitimité qu’une entreprise acquiert chez elle « constitue (…) un référentiel de départ, voire un tremplin pour partir à la conquête d'autres marchés ». (4) Ainsi, le modèle organisationnel de ces entreprises familiales leur assure une pérennité inédite, ce qui constitue un réel atout pour se lancer à la conquête de l’extérieur. En effet, il n’y aura pas de problème de succession ou de refonte totale de la culture d’entreprise puisque la succession au sein de celle-ci est assurée quoi qu’il arrive. L’ancienneté de ces entreprises, leurs valeurs fortes et leur caractère familial créent une stabilité de leur gouvernance qui leur permet de mieux relever les défis de la concurrence mondiale.
Ainsi, comme Lactalis en « terre laitière », quoi de plus logique pour le géant vert français qu’un ancrage agricole pour faire du légume? Enraciné à Villeneuve d’Ascq dans la banlieue Lilloise, cet insubmersible conquérant du marché mondial du légume, présent aujourd’hui dans plus de 100 pays, n’a lui non plus jamais oublié que « ce n’est pas parce qu’on est international qu’on n’a plus de racines ! » comme le déclare son PDG Christophe Bonduelle. (5)
La province, c’est donc un noyau dur sur lequel s’appuyer pour mieux impulser sa stratégie de croissance externe. Lactalis a pu ainsi acquérir des marques italiennes comme Galbani et Parmalat ou partir à la conquête de marché comme l’Inde en rachetant 100% des parts Tirumala Milk Products. Michelin opère également en ce sens : il rachetait en 2014 le brésilien Sascar afin « de développer son offre dans la gestion de flottes et d'accélérer la croissance de son activité poids lourds au Brésil. » (6) Le Brésil a également su inspirer Bonduelle qui a entamé une véritable conquête de l’Est en rachetant les entreprises russes Timashevsk et hongroise Nyiregyhaza. Des acquisitions stratégiques qui lui ont permis de garder le cap face à la crise et de « dégager de nouvelles synergies sur les marchés en forte croissance, où la rentabilité du groupe s'avère 4 fois supérieure à celle de l'Europe. »(7)
Ici donc, l’ancrage fait la force. La porte du marché mondial reste ainsi grande ouverte à d’autres entreprises que les startups. Ainsi, en façonnant leur identité à l’image de leurs provinces respectives, ces multinationales prouvent que l’on peut encore aujourd’hui conquérir le monde sans partir de chez soi… Loin d’être un frein à la croissance, l’ancrage apporte alors une stabilité identitaire stratégique et constitue, comme ici, un atout qualité-expertise-confiance des plus précieux pour ces entreprises à l’identité forte.
- http://www.lesechos.fr/15/10/2010/LesEchos/20785-040-ECH_lactalis---le-fromager-aux-vingt-sept-aoc.htm#xHJKWAeXgeFwh1xo.99
- http://www.lesechos.fr/27/01/2014/LesEchos/21613-114-ECH_michelin-a-choisi-de-grandir-a-clermont-ferrand.htm#vgDkVAyxIVdker0E.99
- http://www.lesechos.fr/partenaire/ey/partenaire-400-remettre-la-raison-detre-de-lentreprise-au-coeur-de-sa-transformation-1157964.php
- http://www.laval-tourisme.com/decouvrir/musees/234249-la-cite-du-lait---le-lactopole
- http://www.eco121.fr/christophe-bonduelle-ce-nest-pas-parce-quon-est-international-quon-na-plus-de-racines/
- http://www.capital.fr/bourse/actualites/michelin-finalise-l-acquisition-du-bresilien-sascar-958616#m80YvJgYTXAbsSPU.99
- http://business.lesechos.fr/directions-generales/strategie/business-plan/0202302236751-strategie-d-acquisitions-bonduelle-reussit-a-contrer-la-crise-en-europe-556.php?StH208XIsLWuhJZO.99