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Aymeric Poujol : « reprendre une entreprise, c’est capitaliser sur les hommes pour mieux réussir »





Aymeric Poujol est expert fiscaliste, diplômé de l’Unversité Paris Sud. Salarié du cabinet de conseil EIF à partir de 2001, il a repris ce dernier avec un collaborateur en 2006. En l’espace de dix ans, Aymeric Poujol est désormais à la tête d’une structure à forte notoriété et conseille les plus grands : Unibail Rodamco, BNP Paribas, France Télécom ou encore Auchan font aujourd’hui partie de ses clients. Il revient avec nous sur les étapes et les points clés de la transmission d’entreprise, une expérience rarement décrite du point de vue de l’acquéreur.



Aymeric Poujol (au centre à droite) et son équipe
Aymeric Poujol (au centre à droite) et son équipe

Entreprises & Décideurs : Comment avez-vous fait vos premiers pas chez EIF ?

Aymeric Poujol : J’ai intégré le cabinet en 2001 à l’occasion de mon stage de professionnalisation de fin d’études lorsque je faisais mon DESS en droit fiscal à l’Université. À l’époque, j’avais hésité entre une grande banque qui m’offrait un poste sécurisant et cette PME où l’on m’offrait des responsabilités intéressantes très rapidement. Je me suis laissé tenter par la seconde option. Cependant, j’avais à l’époque fait part à l’ancien dirigeant d’EIF de mes doutes quant aux perspectives d’évolution dans cette petite structure. Il m’avait alors assuré de son intention d’ouvrir le capital peu de temps après mon embauche. J’ai donc signé en toute sérénité.

Entreprises & Décideurs : Pour quelles raisons avez-vous décidé de reprendre EIF en 2006 ?

Aymeric Poujol : En 2004, soit trois ans après mon recrutement, j’avais intégré mes fonctions et pendant cette période de temps j’ai permis à l’activité du cabinet de quadrupler. Sur le seul produit d’optimisation de la taxe foncière dont je m’occupais, j’étais en effet parvenu à faire passer le chiffre d’affaires de 250 000 euros à près d’un million. La perspective de développer encore davantage le cabinet m’enthousiasmait de plus en plus.
 
Par ailleurs, j’estimais avoir fait mes preuves concernant les résultats. Et comme l’ancien dirigeant m’avait fait part de son projet d’ouvrir le capital au moment de mon recrutement je suis retourné le voir. Mon associée d’aujourd’hui, Sandrine Julien, était également intéressée par l’idée. En 2006, nous sommes parvenus à un accord avec l’ancien dirigeant d’EIF et avons repris l’affaire.

Entreprises & Décideurs : Comment qualifieriez-vous la qualité de votre relation avec l’ancien Gérant d’EIF durant la transmission ?

Aymeric Poujol : Celle-ci a considérablement évolué tout au long de mes premières années chez EIF et particulièrement pendant la période de transition. Celle-ci s’est en effet déroulée moins facilement qu’il n’y paraît. Trois ans après mon recrutement, lorsque j’ai repris les discussions avec l’ancien patron afin d’entrer au capital, il m’a d’abord invité à patienter encore un an ; chose que j’ai faite. En 2005, il a commencé à montrer des signes d’hésitation. Simultanément, j’avais proposé   à Sandrine Julien, mon associée aujourd’hui, avec qui je travaillais quotidiennement, de mutualiser notre travail, nos résultats et nos commissions Pour aller plus loin, nous avons beaucoup discuté de la possibilité de nous associer, et avons alors décidé d’entamer d’intenses négociations avec l’ancien patron d’EIF pour le convaincre de nous faire entrer au capital. Nous y sommes ainsi parvenus, non sans une certaine détermination et un certain sens du consensus. Suite à cela, pendant trois ans, il nous a épaulés sur les fonctions de direction. Il y a donc eu une véritable transition, qui a été conduite en douceur, de façon très pragmatique.

Entreprises & Décideurs : Comment vous êtes-vous approprié EIF avec votre associée par la suite ? Votre style de direction a-t-il marqué une rupture ou une continuité dans le quotidien du cabinet?

Aymeric Poujol : Il y a eu une évolution, pas de rupture. Pendant trente ans EIF avait proposé un service d’optimisation de la taxe professionnelle avec beaucoup de succès. Puis Sandrine Julien  avait été recrutée 4 ans avant moi, ayant pour mission de développer nos activités sur la taxe foncière. Le produit a très bien marché. J’ai moi-même été recruté pour permettre à l’entreprise d’étendre son offre sur ce domaine d’activité stratégique du cabinet.
 
Lorsque nous avons repris les rênes d’EIF, nous nous sommes appuyés sur ce qui se faisait auparavant et qui fonctionnait. Les performances ont été au rendez-vous. Lorsque nous avons repris le cabinet, la seule activité taxe foncière générait 1,5 million d’euros de chiffre d’affaires et aujourd’hui elle en représente plus du double. Nous avons donc continuellement développé cette activité de base, fidélisé notre clientèle avec succès, et avons cherché à diversifier notre offre pour pérenniser notre croissance. A cet effet, nous avons cherché à innover, par exemple en proposant une offre d’optimisation du crédit impôt recherche.

Entreprises & Décideurs : Qu’en est-il des salariés ? Comment ont-ils vécu la transition ?

Aymeric Poujol : Nous avons fait tout le nécessaire pour que les salariés vivent la transition de façon très positive. Pour cela, l’aide de l’ancien dirigeant s’est avérée cruciale, car il nous a aussi formés au métier de la gestion que nous ne connaissions pas à l’époque. Cela nous a permis de gérer le changement dans la continuité, en conservant le noyau humain de l’entreprise intact.  Pour accompagner la forte croissance de l’activité, nous avons  choisi de recruter de jeunes diplômés. Notre chef de service, par exemple, recruté il y a 9 ans, sortait alors tout juste de l’école de l’immobilier. Et il travaille toujours avec nous aujourd’hui !

Entreprises & Décideurs : Finalement, pour quelles raisons avez-vous préféré la reprise plutôt que la création d’entreprises ?

Aymeric Poujol : Mon associée et moi-même avions pensé à la création d’entreprise au moment de reprendre EIF. Mais nous avons jugé plus intéressant de développer une structure déjà solide, de capitaliser sur ses valeurs, son expérience et son équipe,  pour en faire quelque chose d’encore meilleur. Cette possibilité de perfectionner l’existant m’a personnellement toujours plus intéressé que celle de travailler seul dans son coin. Et reprendre une entreprise, c’est aussi capitaliser sur les hommes et leur expérience pour mieux réussir. Nous avions l’occasion de profiter des conseils de l’ancien dirigeant qui nous a aidés dans l’apprentissage des fonctions de gestion. Nous avons saisi cette opportunité rare.
 
Enfin, la reprise repose sur une prise de risque moins aléatoire que la création pure d’entreprise. En reprenant EIF avec Sandrine Julien, nous avons donc pu passer une étape professionnelle importante, tout en mettant nos familles respectives à l’abri. On ne le dit pas toujours, mais ces considérations humaines pèsent dans la balance au moment de prendre ce type de décision.
 
Ceci dit, mon associée et moi-même n’avons jamais complètement écarté la possibilité de la création. En témoigne d’ailleurs l’inauguration d’EIF Innovation. Pour cette structure dédiée aux prestations sur le crédit impôt recherche, nous sommes partis de zéro, mais nous maîtrisions le risque. Dans mon cas, il y avait clairement un temps pour la reprise et un autre pour la création, et je me réjouis d’avoir eu l’occasion de toucher à tout.


15 Janvier 2013